Eduquer avec les parents, l’AEMO: une pédagogie pour la parentalité?

Jean Lavoué, L’Harmattan, 2000, 272 p.

La loi est venue limiter la toute puissance parentale en permettant dans certaines situations que s’impose le droit de l’enfant à être éduqué et protégé face des parents jugés défaillants. Mais comment peut être régulée la toute puissance des intervenants chargés de faire respecter ce droit face à une famille qui reste malgré tout le lieu naturel de l’éducation de l’enfant ? Jean Lavoué, directeur d’un service d’AEMO dans le département du Morbihan nous propose sa réponse dans ce recueil des articles qu’il a écrits dans la dernière décennie du siècle précédent. Certes, les parents auxquels sont confrontés les professionnels sont le plus souvent immatures. N’ayant pas connu d’enfance eux-mêmes, ils disputent à leurs enfants cette place inaccessible. Certes, les situations de violence, voire de rupture familiale donnent leur pleine pertinence à la protection des mineurs. Mais, explique l’auteur, la première responsabilité des intervenants consiste bien à ne pas suppléer là où les ressources naturelles existent. Par un travail de conseil et d’aide, il s’agit de contribuer à ce que soient recréées les conditions d’affection et de sérénité dont a besoin l’enfant pour son équilibre. C’est bien difficile, parfois, quand on est témoin au quotidien de tous les manques, de toutes les défaillances, de ne pas porter ni supporter à la place des parents. Mais, c’est la pédagogie de l’effacement qui doit l’emporter : être contenant et repérant, stimulant et sécurisant, tout en sachant se retirer pour permettre aux familles de trouver leurs propres solutions : « se tenir aux côtés des parents appelés à remplir mieux leurs propres responsabilités, en tant que témoin de leurs ressources et de leurs aptitudes, relançant leurs efforts, contrôlant leurs défaillances, éveillant leur désir de changement » (p.62) Ce qui peut permettre de limiter encore la toute-puissance de l’intervenant socio-éducatif, c’est l’obligation de rendre compte à l’autorité ordonnatrice, qu’elle soit administrative ou judiciaire, mais aussi de travailler en équipe, celle-ci apportant discussion et régulation face à l’incertitude fondamentale de toute prise en charge. Mais, c’est aussi la place prise par l’institution. La façon dont celle-ci crée les conditions maximum de sérénité dans le travail joue sur la qualité de l’action des intervenants. Et cela passe notamment par les parcours de formation continue qui sont proposés au personnel, qui soient impliquants, pluridisciplinaires et référés à plusieurs théories qui permettent de « quitter méthodologiquement la position de celui qui sait, qui a des solutions, qui apporte des réponses, qui répare, qui conseille, qui fait à la place, qui porte à la place ... bref de celui qui maîtrise l’autre. » (p.109) mais trop souvent emporté par ses objectifs et ses logiques instrumentale qu’il ne questionne plus guère, le travailleur social en oublie de considérer l’autre dans sa différence et de reconnaître en lui les valeurs humaines qui l’animent.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°565  ■ 22/02/2001