Punir: pour quoi faire?

Judith LAZAR, Flammarion, 2004, 184 p.

Tout avait bien commencé. L’affirmation de l’inacceptable de toute sanction corporelle dont l’éradication fut un progrès indéniable. Le rappel que la demande de l’enfant tient dans une recherche de limites et d’interdits qui lui permettent d’identifier les chemins praticables et ceux qui ne le sont pas. L’explication que l’hésitation de l’adulte à lui servir de guide dans un monde complexe et embrouillé pour lui ne peut que miner sa confiance dans l’avenir. Le regret que la punition apparaisse comme l’échec de la négociation et de la communication qui sont devenues au fil des années trop importants dans la relation éducative. Puis vint la présentation de ce que n’est pas la punition (une vengeance) et ce quelle est (rappel à la loi, défense de la société, éducation de l’individu) et en quoi elle permet de considérer l’autre comme libre et responsable en lui reconnaissant sa dignité universelle (tout en rétablissant le droit de la victime). Sans oublier ses fondements historiques reliés à la notion morale de réciprocité : chacun doit rendre à autrui ce qu’il a reçu (en bien, c’est l’échange, en mal, c’est la punition face à la transgression). Jusque là, tout allait à peu près bien. Et puis, patatras ! Voilà la montée des vieilles lunes et l’auteur qui s’enfonce maladroitement et lamentablement dans une énumération de refrains ringards. De nos jours, ma brave dame, « les enfants ont pris l’habitude de contester les enseignants » (p.37), « quand un élève roue de coups une surveillante, on se demande comment le sanctionner positivement » (p.101), « au nom de cette pseudo-égalité, durant la dernière décennie du XXème siècle, des jeunes de banlieues ont pu bénéficier d’une impunité quelque fois ahurissante » (p.134) Tel son prédécesseur biblique se levant du pays des morts, Madame Lazar sort de la naphtaline et d’un passé chéri, trop vite disparu. Ah, de mon temps, au moins la jeunesse était prop’ sur elle : « les jeunes ne se déplaçaient pas en troupeau dans les rues et n’agressaient personne par plaisir » (p.53), « vu de nos jours, on pourrait dire que c’était une période heureuse où tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes » (p.90). L’auteure craint-elle qu’on lui reproche d’ « avoir cédé à la nostalgie d’une époque révolue où la surveillance et la correction régnaient, où la répression guettait tout acte sortant de la normalité et où les policiers surveillaient tous les coins de rue » (p.179) ? Elle persiste et signe, se donnant pour défi de « maintenir une mince flamme qui est en train de s’étioler. » Propos d’autant plus désespérants que l’auteure elle-même reconnaît qu’entre le chemin du tout répressif et du tout permis, il reste à trouver le juste équilibre. Eh bien, on ne peut pas dire qu’elle aide à le chercher ! Il y a au moins une bonne raison de lire ce livre : beaucoup rire en découvrant que finalement, Sarkozy était sans doute un ministre de l’intérieur un peu gauchiste !

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°711 ■ 03/06/2004