La parenthèse Ahansal
GANZ Thierry, éd. Elzévir, 2009, 185 p.
Thierry Ganz en est convaincu. Ces séjours, qui emmènent ces futurs adultes vers un ailleurs, ne peuvent que les rendre plus lucides sur leur propre vie. Tous n’en sortent pas transformés. Mais, pour la plupart, cette expérience leur aura permis de grandir. L’auteur est éducateur dans un foyer d’adolescents, dans les Vosges. D’une écriture fluide et pleine d’humour, son récit nous décrit son quotidien professionnel, en y intégrant un voyage dans la Vallée d’Ahansal située dans le haut Atlas marocain. Le périple a été préparé par les jeunes qui ont contribué à le financer : opération de vente de beignets, confection de bouquets de jonquilles proposés aux restaurants pour égayer leurs tables, repas confectionné pour les parents, les éducs, les travailleurs sociaux extérieurs à l’établissement. Le premier contact avec le Maroc se fait paradoxalement à Périgueux. Le groupe de jeunes et leurs deux éducs vont traverser la France, pour apporter à l’association Radija des sacs pleins à craquer de vêtements chauds récoltés dans leur région, à destination des enfants de la Vallée d’Ahansal. Bonne entrée en matière, pour un séjour qui s’inscrit sous le signe de la solidarité. Car une fois sur place, les visites et le trek de cinq jours alterneront avec un chantier humanitaire : travaux de peinture et de terrassement dans une école. Après un baptême d’avion pour les 6 adolescents du séjour, c’est la découverte de Marrakech, sa circulation anarchique, ses coups de klaxon qui viennent de partout et en permanence, ses innombrables taxis qui se fraient un chemin à travers les charrettes tirées par un âne, les mobylettes véritables où sont juchés quatre passagers, ses odeurs de pollution et ses vieilles Peugeot rouillées et cabossées qui roulent encore. Bientôt, il faut s’attaquer aux contreforts de l’Atlas sur des pistes que rien ne distingue vraiment du reste du paysage. Trajet chaotique et bien secoué, à bord d’un 4/4 au moteur poussif qui ne peut guère dépasser les 30 km/h. Le panorama en impose. Il est grandiose et sublime, donnant le sentiment d’être particulièrement petit et fragile. L’accueil des berbères est tout aussi majestueux que le pays. La remise du matériel scolaire apporté dans les bagages est l’occasion d’une cérémonie à laquelle le groupe de s’attendait pas. Le chef berbère s’arrête devant chaque ado, lui prend la main, l’embrasse et la porte à son front, en signe de reconnaissance et de remerciement. Moment d’intense émotion, les plus sensibles ayant du mal à retenir leurs larmes : ils sont accueillis pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils ont été. La sérénité, la dignité, la beauté de ces populations les marqueront sans doute à jamais.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1000 ■ 13/01/2011