L’enfant sauvage
T.C. Boyle, Ed. Grasset, 2011, 180 p.
Quel est donc cet enfant sauvage aux yeux fixes et noirs, fronçant la bouche autour de canines décolorées et qui erre dans les bois du Languedoc ? Pourchassé, il se fera prendre une première fois en 1797, après s’être recroquevillé sur les plus hautes branches d’un arbre. Il réussit à s’enfuir. Ce n’est que deux ans plus tard, en 1799, qu’il est à nouveau capturé et enfermé. Cette intégration un peu rude à la société humaine est vite relayée par des adultes bienveillants qui le recueillent et finissent par l’orienter vers l’institution de sourds-muets de l’abbé Sicard, à Paris. C’est Jean Marc Gaspard Itard, un jeune médecin de 25 ans, qui va passer cinq années, à tenter de civiliser celui qu’on nomme alors « Victor de l’Aveyron ». Lourde tâche, que celle de changer le destin d’une créature de pure instinct, à la vie guère différente des autres animaux de la forêt, habitué à vivre nu, sans craindre le froid et préférant à toute nourriture cuisinée, des grenouilles ou des salamandres crues, des souris ou des écureuils encore chauds, des oisillons ou des œufs pas encore éclos. T.C. Boyle, célèbre romancier et nouvelliste américain, nous propose ici un récit superbement écrit, haut en couleur, en humour et en émotions qui constitue le pendant littéraire de l’oeuvre cinématographique de François Truffaut « L’enfant sauvage ». Dans ce roman, on voit grandir cet enfant et agir son protecteur bien décidé à déployer tous les efforts pour l’éduquer, acte fondateur du métier d’éducateur spécialisé. Leçon retenue et appliquée aujourd’hui, dans notre quotidien professionnel : persévérance, créativité, conviction seront nécessaires pour tenter d’arracher l’enfant à son handicap. Les progrès accomplis finiront par stagner, détournant Itard de son petit protégé. Seul et loin de son bienfaiteur, Victor finira sa vie à 40 ans. Depuis, le nécessaire relais lors du passage à l’âge adulte est assuré.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1041 ■ 01/12/2011