Les éducateurs face à la radicalisation. Le cas de la prévention spécialisée
BOUSETA Hanane, Ed. L’Harmattan, 2018, 230 p.
Un phénomène a envahi l’espace médiatique autour d’un paradigme central : la diabolisation de la radicalité amalgamée au terrorisme. Face à la complexité des mécanismes à l’œuvre, l’usage d’une grille unicausale réduit les réponses possibles à la seule option répressive. Pas moins de sept lois ont été votées depuis 2012, visant l’une après l’autre à toujours mieux repérer, identifier et dénoncer les déviances. La prévention spécialisée est sollicitée pour s’inscrire dans la détection et le signalement de tout ce qui pourrait s’identifier à une forme d’intégrisme. La grande mutation du travail de rue se poursuit et s’aggrave. Pour répondre aux nouvelles exigences de transparence, d’anticipation et de rationalité, l’improvisation avait déjà été remplacée par la planification, la spontanéité par la technicité, la rencontre par la prescription, le chef de service militant par le cadre gestionnaire opérationnel et le jeune initialement destinataire de l’action par le financeur. Voilà aujourd’hui que le renseignement policier cherche à subvertir et instrumentaliser les professionnels de terrain invités à rompre avec l’anonymat, requestionner la confidentialité, accepter des suivis nominatifs à la demande des familles, à investir une fonction de référent d’un réseau destiné à accompagner et surveiller ces jeunes en voie de radicalisation. Renier, en somme, ce qui est au cœur d’une démarche qui a montré son efficacité pour accompagner les inadaptations et les états de souffrance. Hanane Bouseta qui, jeune, a connu un processus de radicalisation nous fait ici une description guère optimiste d’une dérive de la part d’associations qui asphyxiées par la raréfaction des financements, répondent à des appels d’offre, sans craindre de perdre leur âme.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1269 ■ 17/03/2020