Le métier d’AMP. Construction d’une identité professionnelle
GIUST-DESPRAIRIES Florence, Ed. Dunod, 2013, 263 p.
Une profession ne se résume pas à l’énoncé de ses compétences, sauf à ne retenir que son efficacité attendue. Telle est la conviction de Florence Giust-Desprairies qui s’attache, tout au long de son ouvrage, à décrire non seulement la prise en charge concrète, matérielle et physique qu’implique le métier d’aide médico psychologique, mais tout autant l’intrication des capacités psychiques, cognitives, relationnelles et subjectives qui doivent être mises en œuvre, pour aller à la rencontre de l’autre. Pour l’auteur, il ne s’agit pas tant d’objectiver l’expérience qui se donne à voir, à travers les témoignages et récits des nombreux professionnels qu’elle a interrogés, que d’analyser les processus par lesquels elle se construit, dans sa complexité. La confrontation à la déficience grave sinon profonde explique l’anxiété et l’intranquillité générée, source à la fois de routine, de risque de désinvestissement et de menace de dévalorisation. Née dans le berceau de l’éducation spécialisée, cette profession n’a, au début, semblé mobiliser que des fonctions de maternage et de bon sens. Longtemps, et encore aujourd’hui, elle a été considérée comme la serpillothérapeute de service, est restée attachée à la défectologie et renvoyée au PCV (comprendre pipi-caca-vomi). Ce mépris, cette ignorance et cet irrespect sont liés à la difficulté d’une tâche visant à aider la personne accompagnée à sortir du carcan qui l’enferme dans le somatique, pour lui permettre d’accéder à une vie pleine de sens. Ce qui nécessite bien d’autres qualités, telles l’ingéniosité, l’habileté ou l’imagination, mais aussi la vitalité, l’énergie ou la délicatesse. La grande proximité d’une personne parfois murée dans son silence, si elle est nécessaire pour pallier à sa déficience s’accompagne aussi d’une menace d’envahissement qu’il faut réussir à gérer. Savoir-faire spécifique difficilement objectivable qui explique le flou entourant la profession. D’abord, parce qu’elle se forme en faisant tout en acceptant de ne pas savoir. Ensuite, parce qu’elle est prise entre la clinique de l’acte quotidien et l’humanisation de la pratique. Aussi, parce qu’elle est à l’articulation de la technicité et de la praxis. Encore, parce que la relation qui s’engage entre le professionnel et l’usager, loin d’être unilatérale, est réciproque, impliquant en même temps le corps et les sens, l’altérité et l’intimité. Si l’on voulait définir la fonction d’AMP, on pourrait convenir qu’elle se situe à l’intersection de trois compétences : médicale, pédagogique et socialisatrice. Elle est le récepteur d’une souffrance qui ne peut toujours s’exprimer et l’émetteur d’une interprétation, souvent projective, permettant de porter cette manifestation auprès de l’équipe ou des soignants.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1099 ■ 28/03/2013