L’enfant en miettes

Pierre VERDIER, Dunod, 1997, 192 p.

L’Aide Sociale à l’Enfance est une appellation un peu obscure pour le citoyen moyen. Mais dès que l’on parle de l’Assistance Publique (ancêtre de l’ASE) ou encore mieux de la « Dass », son visage s’éclaire pour parfois se tordre d’un rictus: c’est que la réputation de cette administration n’est guère fameuse. Soit elle en fait trop (« enleveuse d’enfants »), soit elle n’en fait pas assez. Pierre Verdier, ancien Inspecteur de l’ASE et directeur de DDASS consacrait en 1979 un ouvrage resté fameux que Dunod vient de rééditer dans sa quatrième version « entièrement actualisée ».

L’auteur, personnalité incontournable du secteur social, y fait une description sans concession d’une institution qui s’occupe en moyenne de plus de 500.000 enfants et a bénéficié en 1993 d’un budget de 22 milliards de Francs.

L’ASE constitue un ensemble de moyens financés et organisés par la collectivité publique pour remédier aux difficultés économiques et éducatives des familles. Les aides proposées vont d’un simple soutien financier jusqu’à la tutelle d’enfants privés de parents en passant par le financement de travailleuses familiales, l’intervention de travailleurs sociaux au sein des familles et la prise-en-charge physique de mineurs en établissement ou en famille d’accueil soit sur décision de leurs parents soit sur décision du juge des enfants. Pierre Verdier détaille en outre longuement les modalités qui président aux conditions de succès d’un placement en famille d’accueil.

La plupart des critiques formulées sont pertinentes. Se consacrant avant tout à un rôle supplétif et palliatif, l’ASE a toujours été tentée par une dérive aboutissant à écarter les parents de leur rôle en cas de placement. Quant à la décentralisation, elle n’a pas modifié la grande disparité entre les départements quant aux moyens mis en oeuvre pour secourir les enfants. L’exercice 1975 comporte un écart de 1 à 8 concernant les dépenses par habitant de moins de 20 ans. En 1992, le rapport qui subsiste est encore de 1 à 5. Autre critique, celle qui vaut le titre à l’ouvrage: l’absence de continuité qui fait de l’enfant un être en miettes ayant à faire à une multitude d’intervenants successifs. Constat récurrent encore: si la majorité des enfants pris-en-charge sont dans leur famille, le service investit beaucoup plus en faveur de ceux qui sont placés: ainsi 32,96% des effectifs absorbent 88% du budget.

Pour autant, l’ASE a connu au cours des années et connaît encore une évolution notable. Ainsi en va-t-il de la prévention qui vise à traiter d’une manière précoce des inadaptations et à favoriser la réinsertion. Il en va de même pour les placements qui sont utilisés avec bien plus de parcimonie. Lorsque ceux-ci ont néanmoins lieu, tout est fait pour préserver les contacts familiaux. La place des familles a par ailleurs été réhabilitée par la loi de 1984 qui revalorise les droits des parents.

L’ouvrage de Pierre Verdier n’a pas perdu de son actualité et constitue un classique du genre à lire et à relire.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°395 ■ 24/04/1997