Toutes nos aurores communes

VEPRES Denis, Ed. Verone, 2019, 193 p.

Avant de transmettre son expérience à des générations d’étudiants, comme formateur à l’IREIS de Bourg-en-Bresse, Denis Vêpres a été vingt ans assistant social en AEMO. Son parcours l’habite avec une telle force et le fait vibrer avec une telle intensité, qu’à chaque page il fait vivre à son lecteur l’émotion de la rencontre, comme s’il l’avait éprouvée hier encore. La soixantaine d’étape de son carnet de route fonctionne au même rythme : une courte vignette clinique, un commentaire et un intermède poétique. Il est bon et salutaire de voir rappelées ces constantes de l’éthique qui niche au cœur de la pratique éducative qu’il décrit. Le fondement de l’action, explique-t-il, consiste bien à creuser le sillon de la compréhension au-delà du raisonnable, à conjuguer au particulier jamais au général et à faire renaître cette part de rêve à laquelle chaque enfant a droit. Notre responsabilité nous enjoint à un engagement indéfectible face aux êtres vulnérables que nous accompagnons, à la conviction de ne jamais être indispensable et à la sagesse de ne pas nous prendre (trop) au sérieux. Il nous faut apprivoiser l’idée de la lente descente aux enfers de celles et ceux qui ont été écorchés par la vie, acquérir la capacité à regarder en face le plus mauvais de l’homme et accepter que l’espoir puisse naître de certaines causes perdues. Le travail social induit de perdre beaucoup de temps dans le simple fait d’être présent, une longue temporalité étant parfois nécessaire pour stabiliser une situation, tisser un lien de confiance et s’adapter aux possibilités de l’autre. Tout comme il faut du temps avant de comprendre ce que signifie une porte fermée et un temps encore pour l’accepter, sans vouloir l’enfoncer. Voilà notre quotidien pensé, analysé et illustré avec intelligence, sensibilité et pondération.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1259 ■ 14/10/2019