(L)armes d’errance. Habiter la rue au féminin

CABRAL Mauro Almeida, Éd. Academia, 2021, 173 p.

Il existe peu d’enquêtes sur les femmes vivant à la rue. Educateur auprès de personnes vivant dans les interstices urbains, l’auteur leur consacre cette monographie pleine de nuance et de tact. C’est dans les parkings, les entrées de garage, les parcs municipaux, les galeries marchandes, les gares routières qu’il a déambulé à la rencontre du sujet de son étude. Il y a rencontré des femmes au passé douloureux marqué par la maltraitance et de multiples traumatismes. Peu visibles et mises au ban de la société, elles sont exposées à toutes les violences. Elles s’en protègent en entrant dans un processus de masculinisation, essayant de gommer leur féminité. C’est en accumulant la crasse et les odeurs corporelles qu’elles essaient de se protéger contre les agressions sexuelles. Les relations de couple oscillent entre la hantise d’être battue et la sécurité que procure le compagnonnage. Les corps sont en grande souffrance, meurtris et impossibles à réchauffer, livrés au manque de sommeil, à l’alcoolisme, à la toxicomanie et à la prostitution. Ces rencontres ont été animées par une stricte méthodologie respectant la bonne proximité, la temporalité de ces femmes et une co-errance du chercheur à l’égard de ses propres connaissances. Pour réussir à rencontrer l’Autre dans toute sa singularité, sa complexité et sa son humanité, il faut se distancier de ses propres représentations.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1309 ■ 18/01/2022