La visite à domicile et ses déclinaisons

SELLENET Catherine, Éd. L’Harmattan, 2021, 228 p.

Depuis la fin de l’époque de l’internat tout-puissant, la visite à domicile a pris de plus en plus d’importance dans le travail social. Les pratiques professionnelles y concourant n’avaient que bien peu fait l’objet d’étude. Voilà qui est fait. Catherine Sellenet laboure profondément les tenants et les aboutissants de ces pratiques, en abordant ses différentes variantes en protection de l’enfance : les visites postnatales, d’agrément d’assistantes maternelles, d’investigation, de mesures éducatives et de placement à domicile. Le lecteur pourra lire avec intérêt chacune de ces déclinaisons, une synthèse restant possible qui va être tentée ici. Quand le travailleur social pénètre dans l’intimité d’une famille, le geste n’est pas anodin. Son intention peut être de l’ordre du contrôle tout autant que de l’aide, de la surveillance que de la bienveillance, de la suspicion que du soutien, du dépistage que de la prévention, de la contrainte que de la protection, du soin que de l’intrusion. Ce peut être l’une ou l’autre, l’une et l’autre, mais aussi l’une pouvant se transformer très vite en l’autre. Les motivations du professionnel n’ont aucune garantie d’être forcément bien identifiées par la famille qui lui ouvre la porte. Elle peut tout à fait se sentir espionnée par un regard inquisiteur qu’accompagnée au plus près de ce qu’elle vit ; percevoir l’intention portée sur son intérieur comme méfiante ou indulgente ; appréhender un jugement de valeur produit par la confrontation entre ses propres habitudes et la culture du visiteur ou se sentir respectée dans ses choix. Finalement, on ne sait pas grand-chose de ce qui se passe entre la famille et l’intervenant, quand l’espace se referme derrière la porte d’entrée. Et surtout ce qui ressort pour les professionnels de l’évaluation des conditions de vie et de l’inventaire des dysfonctionnements ; du sentiment pour les occupants de ne plus avoir la maîtrise de leur chez-soi et de ne plus être libre de gérer leurs propres règles. Entre colonisation abusive d’un espace privé et filet de sécurité pour éviter le pire, un nombre infini de combinaisons se mêle dans un kaléidoscope, ne laissant guère de place à une généralisation, ni à une modélisation. Et c’est cette complexité que l’auteur décrit, en ouvrant largement l’ensemble des possibles, sans en exclure aucun, préconisant une systématisation des échanges de pratiques.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1334 ■ 28/02/2023