Mineurs non accompagnés : quelle reconstruction en exil ?
LE CARDINAL Anne-Laure, Éd. Academia, 2021, 232 p
Ils sont des milliers et pourtant chacun est unique. Ils viennent des quatre coins du monde, là où la guerre massacre leur enfance, là où la misère est profonde, sans que pour autant ils n’acceptent de s’y résigner. Ce sont les mineurs non accompagnés (MNA). Mais qui sont-ils ?
Une typologie (1) distingue six catégories. Les exilés en quête d’une sécurité que leurs parents ne peuvent pas leur assurer. Les mandatés, missionnés pour subvenir à distance aux besoins de leur famille restée au pays. Les exploités, victimes de la traite des êtres humains. Les fugueurs fuyant un milieu maltraitant. Les errants vivant dans la rue et passant d’un pays à l’autre. Enfin, le mineur aspirant qui fait le choix de s’émanciper de son milieu d’origine pour réussir sa vie ailleurs.
S’ils peuvent cumuler plusieurs appartenances, ils partagent tout autant plusieurs constantes. Ils déploient fréquemment une défiance envers les adultes. Ceux qu’ils ont rencontrés au cours de leur cheminement, les ont convaincus de se méfier. Leur parcours, parsemé d’embûches, est le plus souvent chaotique. Ils prennent de plein fouet le choc culturel. Même si leur jeune âge les rend plus adaptables, le fossé est grand entre ce qu’ils découvrent et ce qu’ils ont quitté. La loyauté envers leur famille les empêche parfois de s’autoriser à être bien.
La peur, la pudeur et la réserve les enferment dans des sentiments ambivalents. Leur récit de vie peut apparaître étonnamment désaffectivé, contradictoire ou incohérent. Il doit être replacé dans le contexte des fantômes et des secrets qu’ils transportent avec eux. Dans les stratégies construites pour gérer de complexes conflits intérieurs. Dans le réflexe de survie qu’ils ont dû adopter. Dans la remémoration de souvenirs traumatiques parfois insoutenables.
Certes leur maturation a été accélérée par les épreuves endurées. Mais derrière l’armure en apparence solide, débrouillarde et autonome perce une vulnérabilité à fleur de peau. Et le temps que prend trop souvent leur régularisation est source d’un sentiment de vacuité, d’une perte d’élan vital et d’une démobilisation. Bien des facteurs de résilience peuvent à l’inverse les aider à se reconstruire. Préserver d’abord la continuité, la stabilité et la sécurisation de l’accompagnement. Privilégier ensuite la fiabilité, la continuité et la permanence des personnes ressources qui les soutiennent. Retisser enfin des liens d’attachement significatifs et durables.
(1)https://www.infomie.net/spip.php?article12