Jeunes migrants : le temps de l’accueil. Points de rencontre, points de passage
Bricaud Julien &Crombé Xavier, Éd. Chronique Sociale, 2020, 150 p.
L’accueil des jeunes migrants se concrétise trop souvent dans des conditions terriblement restrictives. C’est par centaines qu’ils se voient refuser toute assistance.
A quoi peuvent correspondre des modalités d’accompagnement bienveillantes et contenantes ? Les espaces qu’il convient d’aménager pour les accueillir répondent à plusieurs objectifs. Nouer des liens apaisés propices à réaliser une alliance. Proposer une relation affective permettant de se sentir à l’abri. Sortir de l’urgence et de la précarité au jour le jour. Offrir la possibilité de ne plus rester focalisé sur un avenir incertain, pour se consacrer au présent.
Quelles vigilances faut-il exercer à leur égard ?
Prendre en compte le choc culturel. La disparition des enveloppes signifiantes partagée ne peut que fragiliser le jeune. Il a quitté sa langue maternelle et sa culture d’origine, mais aussi ses habitudes de vie. Les repères et les étayages qui font la grammaire du quotidien se sont délités.
Comprendre la conjoncture de l’exil. Eloignement, séparation, perte, deuil, dépaysement, précarité, survie, violence … Autant d’expériences traumatisantes venant bouleverser une vitalité humaine qu’il s’agit de restaurer.
Permettre l’expression du vécu. Mais au bon moment et au bon endroit, dans des conditions de disponibilité et de confidentialité. C’est la qualité de l’attention et de la présence qui permettra au jeune de se sentir reconnu et exister, mais aussi de s’autoriser à parler de sa souffrance.
Rester attentifs aux signaux faibles et manifestations en creux. La sensibilité aux éclats de voix, à certaines odeurs ou certains goûts peuvent provoquer des réminiscences douloureuses. Les réactions peuvent être contradictoires : irritabilité, impulsivité, conduites à risques ou au contraire retrait, mutisme ou évitement phobique.
Toujours traiter avec bienveillance les plaintes somatiques. Un corps douloureux exprime parfois ce qui n’est pas formulable autrement. Le morcellement psychique, conséquence des expériences vécues, peut provoquer des douleurs diffuses. La souffrance exprimée est proportionnelle aux violences, ruptures et privations jalonnant le parcours du jeune.
Les travailleurs sociaux ont un rôle de passeur entre deux mondes avec pour objectif de construire un monde commun. Ils sont engagés dans un processus de métissage et d’acculturation. Chacun tente de comprendre l’autre à partir de ses propres codes culturels, tout en assimilant ceux de l’autre. La détermination, la vitalité et la réactivité du jeune s’articule avec l’énergie, la force de conviction et l’astuce de l’accompagnant.