Au pied du mur. Les combats d’une jeunesse exilée

BARRIERE Marie-Pierre, Éd. Nouvelle cité, 2022, 266 p.

Tout a commencé en 2008. Enseignante dans un collège, l’auteure soutient activement deux élèves dont les parents venaient de recevoir une OQTF (Ordonnance pour quitter le territoire français). Finalement, la famille sera régularisée. Depuis, elle ne s’est pas arrêtée. Membre active du Réseau éducateurs sans frontières, elle n’a cessé de venir en aide à tous ces mômes qui traversent la moitié du monde en pensant que la réputation du pays des droits de l’homme n’est pas usurpée. Quelle illusion !

Cette insatiable militante a perdu sa vision romantique qui lui fit croire, un temps, qu’il suffisait de demander pour obtenir. Elle a dû entrer dans la complexité des procédures, respecter les délais, remplir les formulaires CERFA, arpenter les tribunaux etc... Ces jeunes qu’elle accompagne matériellement, affectivement et administrativement, sont souvent meurtris par un passé de souffrance, de pauvreté et de manque de toute perspective d’avenir. Leur santé n’est pas bonne : pathologies anciennes mal soignées, blessures ou infections contractées pendant leur voyage, grande fragilité psychologique, stress post-traumatiques. Ils ont besoin de soins et que l’on prenne soin d’eux. Sa plus belle récompense, c’est quand elle voit leur silhouette se redresser, leurs yeux devenir plus vifs et leurs démarches être plus assurée.

Bien sûr, elle fréquente les travailleurs sociaux. Elle a connu les meilleurs, à l’image de ce référent ASE avec qui elle échange régulièrement, partageant les mêmes révoltes ou cette déléguée syndicale d’une association de protection de l’enfance mise à pied pour avoir dénoncé les conditions indignes d’accueil des jeunes migrants. Elle a entendu le pire avec ce triste individu, chargé de mission pour les mineurs non accompagnés, mettant un jeune dans un train pour Paris avec un seul billet aller. Ou bien abandonnant sur une aire d’autoroute un autre hurlant de terreur de se voir ainsi abandonné. Un admirateur de Papon sans doute qui n’aurait guère hésité à choisir son camp sous Pétain !

Catholique pratiquante, elle côtoie des anticléricaux et des anarchistes autour des mêmes valeurs : préserver l’humain, affirmer la solidarité sans frontières, revendiquer les droits de l’enfant même quand ils sont étrangers. Il ne s’agit pas de sauver le monde, mais de se sauver soi-même de l’indifférence et de l’accommodement qui tue l’esprit de fraternité. Elle ne se considère pas comme une bienfaitrice, s’enrichissant de cette hospitalité vécue comme le contre-poison nécessaire dans un pays où le chacun pour soi et l’égoïsme s’étendent.

Ces jeunes qui arrivent en France sont des miraculé, des héros dignes des récits les plus épiques, proclame-t-elle. Mais, elle évite de parler autour d’elle de son engagement, refroidie après l’hostilité de sa famille quand elle s’y est rendue avec deux jeunes migrants pour la fête de noël ! Son intense activité militante a impacté sa vie de famille faisant fuir son mari excédé par tant de dévouement. Dans sa religion on l’appellerait une sainte, dans le culte hébraïque une « juste parmi les nations ». Et chez les pires mécréants auxquels je m’honore d’appartenir : « chapeau bas, Madame »