100 idées reçues sur l’Aide sociale à l’enfance

TREMINTIN Jacques, Éd. EHESP, 2024, 313 p.

De par son histoire, l’Aide Sociale à L’Enfance condense sur son nom les inquiétudes de notre société, ce qu’elle ne veut pas savoir d’elle-même, ce qu’elle refoule dans son inconscient collectif, mais elle suscite aussi d’incroyables attentes comme si elle était à elle seule capable d’apaiser toutes les souffrances. On y projette nos peurs les plus archaïques, comme nos espoirs les plus fous : de l’image de l’enfant abandonné, maltraité, à celle des parents injustement accusés, de l’indicible violence faite à l’innocence au fantasme inavoué d’une société sous contrôle qui saurait se prémunir de toutes les brutalités qui l’habitent. Alors, idées reçues et fausses représentations se bousculent à sa porte, nourrissant confusions et malentendus qui n’aident personne.

Il est plus que jamais nécessaire que les professionnels se fassent entendre, qu’ils parlent de leur métier avec les nuances que sa complexité réclame. Les travailleurs sociaux doivent s’exprimer, sortir du silence et dire de ce qu’ils font et pourquoi ils le font. Il ne suffit plus de se laisser évaluer et commenter par d’autres, les professionnels doivent témoigner de ce qu’ils vivent, transmettre ce qu’ils en comprennent, et ce qui les anime.

Aujourd’hui à la retraite, Jacques Tremintin a accepté ce défi et il sait de quoi il parle, cette institution, il lui a consacré près de 30 ans de sa carrière professionnelle. Il en connait les arcanes, les moindres recoins. Il en connait les hommes et les organisations, il a soutenu ses ambitions, s’est heurté à ses contradictions.  Il a côtoyé tant d’enfants que ces enfants font désormais partie de lui. Il le dit lui-même, il s’est trompé parfois, il a essayé souvent, mais jamais il n’a triché. Il est le représentant d’une pratique engagée dont il témoigne dans son premier ouvrage, « Fragment de vie d’un référent ASE ». Il fait aujourd’hui un pas supplémentaire en nous invitant à revisiter l’ASE à partir de ce que chacun croit en savoir, en incitant à aller au-delà des représentations sociales. Un travail conséquent qui ne manquera pas de susciter questions et réactions. Ecrire, c’est oser un positionnement qui autorise le lecteur à se positionner lui-même. Et en ces heures troubles, nous avons plus que jamais besoin de penser et de nous positionner. Tout livre expose son auteur, Jacques Tremintin le sait, écrire c’est prendre le risque d’être incompris, mais le réel mérite toujours qu’on essaie d’en dire quelque chose, sinon privé de sens, il s’assèche.

L’ASE, saura-t-elle se réinventer pour s’extraire du marasme dans laquelle elle s’enfonce depuis des années ? Je le crois sincèrement, je l’appelle de mes vœux. Ce sera long et difficile, mais je n’imagine pas d’autres voies, une société digne de ce nom a besoin d’une institution qui se consacre aux enfants, témoignant que la jeunesse reste l’avenir d’un pays. Et puis, disons-le,  je ne connais pas d’impasse d’où on ne voit pas le ciel en levant les yeux. Alors levons les, sachons regarder plus loin malgré les difficultés qui s’accumulent, sachons voir au-delà des murs du présent pour imaginer un réenchantement possible. Merci donc à Jacques Trémintin de nous donner une nouvelle occasion d’y réfléchir ensemble.

Xavier Bouchereau


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