Nouvelles pratiques de médiation sociale - Jeunes en difficultés et travailleurs sociaux

Dominique BONDU, ESF, 1998, 219 p.

La crise qui atteint notre société constitue pour l’auteur une rupture-mutation en profondeur qui concerne avant tout des dimensions socio-culturelles. L’effondrement des cadres à la fois mentaux de référence et sociaux d’appartenance a provoqué une dissolution du lien social. La globalité et les causes multifactorielles de l’exclusion sont au cœur de la problématique des plus jeunes : « le caractère totalement mouvant de la frontière entre les difficultés des jeunes et les jeunes en difficulté entraîne des dysfonctionnements majeurs dans les institutions en charge de la jeunesse »(p.32) Cette réalité impose aux intervenants sociaux une mutation de leurs modalités d’action. Le modèle psycho-social qui cherche l’origine de l’inadaptation dans une soit-disante pathologie individuelle n’est plus à cet effet efficiente. Ce que propose la médiation sociale, c’est justement de replacer le jeune comme acteur de son changement en le repositionnant dans son environnement et en interrogeant la société sur son incapacité à lui aménager une place. On ne peut pas faire du projet d’autonomie un point de départ de l’action sociale mais son aboutissement. En effet, « lorsqu’il devient trop prégnant, un malaise identitaire échoue à s’énoncer en demande construite » (p.93).  Ces transformations de la pratique professionnelle n’implique pas de faire appel à de nouveaux professionnels. Les métiers traditionnels doivent laisser de côté leur « boite à outil » pour agir en « accoucheur d’hommes ». Il leur faut intervenir dans une logique maïeutique : accompagner le jeune pour lui permettre d’advenir à lui-même, d’élaborer progressivement une demande sociale en tant non pas de tiers-écran mais de tiers-facilitateur, et se retirer progressivement au fur et à mesure où il y arrive. Il faut pour cela que le professionnel soit en capacité de s’adapter à des situations multiples, inédites et fluctuantes. Il ne s’agit pas ici d’attendre que l’usager fasse la démarche vers l’intervenant mais que celui-ci aille vers lui. Car les formes de violence urbaines pour préoccupantes qu’elles soient, traduisent avant tout une souffrance psychique et sociale envahissante. Plutôt que d’y voir une inadaptation, ne faut-il pas au contraire les identifier à une suradaptation aux conditions de la réalité ? La médiation sociale intègre alors le conflit et la dynamique conflictuelle comme un vecteur essentiel de socialisation. Reconnaître et aider à résoudre les dissensions permet alors d’affirmer la citoyenneté. L’auteur illustre sa démonstration en proposant de nombreux exemples d’application sur le terrain de cette médiation sociale dont il décrit longuement le paradigme théorique.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°482 ■ 15/04/1999