Pour un autre développement social - Au-delà des formalismes techniques et économiques

Daniel CEREZUELLE, édition Desclée DE BROUWER, 1996, 217 p.

Daniel Cérézuelle joint sa voix aux chercheurs et acteurs du social et de l’économie qui sont de plus en plus nombreux à constater qu’on ne résoudra pas la crise de l’intégration à coup de relance, de créations d’emploi et grâce aux dispositifs de solidarité déjà existants. Plus qu’à une mauvaise répartition des revenus ou du travail, nous avons affaire à une grave crise culturelle du salariat. Certes, le partage des revenus est en cause avec la logique de dualisation. Mais se développe tout autant une véritable déperdition des capacités pratiques des ménages à affronter les conditions économiques difficiles. « Au lieu de contribuer sans conviction à ’’l’acharnement thérapeutique’’ en vue de l’accès à un emploi que l’on sait illusoire, ne serait-il pas parfois judicieux d’encourager certains bénéficiaires en difficulté à mieux faire ce que l’on sait qu’ils savent faire pour essayer de s’en tirer » (p.191). Et d’appeler l’action sociale à ne pas se limiter aux seuls moyens monétaires et marchands, mais aussi à tout ce qui est informel : c’est bien sûr la notion de « tiers-secteur » proposant des services dans un cadre caractérisé par une faible division du travail, un rapport direct et personnel avec la clientèle, l’accent mis sur le savoir-faire plus que sur la valeur du capital et sur une forte localisation. Ce sont aussi ces activités en marge du système marchand que sont les Réseaux d’Echange et de Savoir ou les Jardins Ouvriers qui servent de supports de socialisation, d’équilibre psychologique, de solidarité et de cohésion. A ceux qui voient dans ces pratiques le maintien du statu quo et la renonciation à la revendication d’égalité, l’auteur oppose qu’il ne s’agit nullement d’un retour à un mode pré-moderne de satisfaction des besoins axé sur l’auto-production et la seule sphère domestique. Tout au contraire, ces options favorisent les échanges et sont créateurs de lien social. Elles définissent une authentique qualification sociale basée sur le savoir-faire autant que sur le savoir-être. En refusant toute résignation face au dualisme, elles cherchent à réencastrer dans le tissu social aux côtés du salariat traditionnel, des situations intermédiaires.

Le livre de Daniel Cérézuelle apporte sur cette question une argumentation intéressante, et ce malgré quelques digressions (notamment cette analyse de l’Aide Sociale à l’Enfance par ailleurs pertinente) dont on ne voit pas trop la place dans la logique générale de l’ouvrage.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°416  ■ 06/11/1997