Histoire de vie et pédagogie de projet
Jean VASSILEFF, Chronique Sociale, 1995, 187 p.
Les publics défavorisés qui ont du mal à s’intégrer ont surtout rien d’enthousiasmant à quoi se raccrocher. Ce qui leur manque, c’est un projet basé non sur l’adaptation à des contraintes qui sont imposées mais à une projection en tant qu’acteur de leur environnement. C’est ainsi que Jean Vassileff définit la pédagogie de projet : développer le potentiel d’autonomie des individus.
Quant à l’histoire de vie, chacun recherche dans ses souvenirs quelles stratégies affective, relationnelle ou sociale il a mis en place pour faire de sa vie ce qu’elle est. Rien n’arrive par hasard, tout a un but conscient ou inconscient. En prenant la parole sur les déterminants qui lui semblent avoir joué un rôle fondamental, l’individu ose se doubler en spectateur, auteur, réalisateur, concepteur et producteur de sa vie. Il ne s’agit pas d’une thérapie mais de la remise entre les mains de non-spécialistes de l’interprétation d’un passé qui a structuré leur présent.
Tout outil méthodologique renvoyant à une certaine conception du monde, le choix de société défini ici est très clair. La formation doit contribuer à élaborer des valeurs nouvelles. Pédagogie du projet et Histoire de vie proposent en fait, une mutation profonde de la fonction de formation. Il s’agit du côté des formés d’offrir les moyens de réduire les mécanismes de dépendance et de leur permettre de produire eux-mêmes leur système de vie. Il s’agit du côté des formateurs de reconnaître ce qui se joue au travers de leur travail ( briller, asseoir leur domination, compenser un échec, retrouver un statut ou une utilité perdue) et d’éviter de le projeter inconsciemment sur les personnes formées.
L’auteur affirme que l’intervenant ne peut tendre à l’objectivité qu’en affichant sa propre subjectivité et en faisant largement place à son histoire. Son livre met en pratique ce précepte en réservant une large place à son récit personnel de vie. S’articulent ainsi le cheminement qui a été le sien et les différents concepts élaborés et consolidés au cours des années. L’ensemble donne un ouvrage attachant qui mérite d’être lu.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°415 ■ 23/10/1997