Histoire des centres sociaux - Du voisinage à la citoyenneté

Robert Durand, Syros, 1996, 262 p.

Les Centre Sociaux font partie de notre univers en tant que professionnels mais aussi de notre vie culturelle en tant que citoyen. Pour être familières, ces institutions ne semblaient pas pour autant centenaires. Eh bien, si. Je l’ai appris en lisant l’ouvrage fort intéressant de Robert Durand. Car, si le premier centre français ouvre ses portes en 1896, l’initiative originelle est anglaise. Elle date de 1884 et apparaît dans la banlieue de Londres, très exactement à Toynbee Hall sous le nom de Settlement.

L’auteur nous convie donc à cette aventure qui traverse le XXème siècle: d’une façon chronologique, nous assistons à la naissance, à la croissance puis à l’institutionnalisation de ces authentiques supports de l’action, de l’animation et de l’intervention au coeur des quartiers de nos villes mais aussi de nos campagnes.

Aujourd’hui, le parc des Centre Sociaux comporte près de 1.600 équipements employant 20.000 professionnels permanents.

Ce qui les caractérise avant tout, c’est bien leur vocation d’intervention dans la globalité de la vie du citoyen. Dès la fin du XVIIIème siècle et tout au long du XIXème siècle, la question sociale émerge de la profonde paupérisation issue du développement de l’économie industrielle. Trois réponses sont alors proposées. La première se situe dans le domaine des conditions de travail: associations et syndicats s’y épanouissent. La seconde relève des revenus de substitution liés à la maladie, au chômage ou à la vieillesse. C’est là le domaine des assurances sociales. Enfin, troisième réponse, celle s’adressant à la vie hors du travail: habitat, hygiène, conditions de vie, éducation des enfants, loisirs ... Et c’est justement ce domaine que prennent en charge les Centres Sociaux.

Dès le début, ceux-ci ont valorisé la collaboration active d’habitants devenant acteurs à part entière de tout ce qui est entrepris pour le mieux-être de tous et de chacun. Cette proximité revendiquée implique l’indépendance de chaque centre à l’égard de toute autorité ou idéologie, mais aussi les uns par rapport aux autres sans que cela exclue pour autant toute logique fédérative. Ce dont il s’agit, c’est bien de rester le plus proche possible des habitants et de la réalité que ceux-ci vivent au quotidien. Cette parenté locale est fondatrice du dynamisme du mouvement qui va se confirmer au cours des années.

Robert Durand distingue dans son ouvrage trois époques distinctes dans l’histoire des Centres Sociaux. Tout d’abord celle des pionniers (1897-1945) qui voit de nombreuses initiatives naître indépendamment les unes des autres mais rester encore assez confidentielles. Les promoteurs de l’expérience, catholiques militants, subsistent en marge d’un monde ouvrier tourné pour l’essentiel vers l’action syndicale et politique. La deuxième époque s’étend de 1945 à 1983. Elle correspond à une reconnaissance officielle concrétisée à partir de 1971 par un financement spécifique et un agrément par la CAF. Cette période est aussi celle d’une appropriation du centre social par les habitants du quartier. Dernière époque, celle qui débute en 1984 et qui s’assimile à un temps de turbulence. La société salariale en crise et la précarisation accélérée des emplois provoquent une crise du militantisme, un repli domestique et le désengagement de l’Etat devenu au fil des temps omniprésent au niveau du social. Nouvelle époque nouveau défi à relever pour ce mouvement incontournable du paysage contemporain.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°389 ■ 13/03/1997

GAVROCHE  ■ n°102 ■ nov-déc 1998