Les travailleurs sociaux ont-ils peur du changement?

Les Cahiers de l’Actif, n° 292/293 Septembre-Octobre 2000, 245 p. (259 avenue de Melgueil BP 3 34280 La Grande Motte)

« Aucun changement n’est une fin en soi : celui-ci n’a par lui-même aucune qualité » affirme d’emblée Michel Chauvière en préambule de ce numéro des cahiers de l’Actif. Tout dépend finalement de ce qu’on veut changer ... On évoque facilement  les freins qui s’accumulent dans le domaine public face à toute tentative de modification. Et, il est vrai que, fréquemment, les transformations ne s’y concrétisent dans les faits que lorsqu’une loi, un règlement ou une circulaire viennent en situer l’ampleur et les limites. Mais, c’est peut-être déjà trop tard, car les effets qui en sont attendus sont déjà devenus obsolètes. A l’inverse, l’appel au changement constitue l’une des constantes du management moderne : l’entreprise était rigide et pyramidale, on la veut flexible et en réseau ; le marché était régulé et cloisonné, on le veut libre et mondial ; l’emploi était stable et durable, on le veut mobile et précaire, la hiérarchie était cloisonnée et lourde, on la veut connexionniste et légère, l’encadrement était autoritaire et distant, on le veut animateur et proxémique : l’emploi était obéissant et exécutant, on le veut autonome et créatif. Les incitations à évoluer viennent, en outre, coïncider avec l’arrivée dans le social, du secteur marchand, tant dans le domaine de la formation, que des personnes âgées ou de l’aide à domicile et avec la montée en puissance de la confusion de la place de l’usager avec celle de client, de consommateur, de coproducteur et de citoyen. L’ensemble  de  ces facteurs encourage à un minimum de vigilance. Oui, le secteur socio-éducatif est amené à changer pour essayer de toujours mieux répondre aux nécessités que pose la question sociale. Cela passe par la lutte contre l’usure professionnelle, par la requalification et la formation des intervenants, par la promotion des acteurs institutionnels à une place où ils pourront s’approprier le projet éducatif, à une analyse des pratiques qui doit permettre des évolutions significatives pour toutes les catégories de personnes. Mais pas à n’importe quel prix ! Ce qui prime c’est bien la façon dont seront articulés les fins et les moyens, ainsi que la transitivité de la question (changer quoi) et sa réflexivité (changer pourquoi). Car, si le professionnel à qui on demande de faire un effort pour modifier ses façons d’agir n’en voit ni le sens, ni le bénéfice, il ne le fera pas ou s’y pliera par conformisme, par soumission, ou pour faire plaisir, ce qui augure mal de l’investissement que l’on peut légitimement attendre. Ensuite seulement, viennent les modalités et les méthodes : avoir une démarche participative et responsabilisante, travailler au deuil de l’équipe idéale, avoir une politique de transparence et de communication, fonctionner par projet ...

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°570 ■ 29/03/2001