Evaluer les besoins des personnes en action sociale. Enjeux, Méthodologie, Outils

Jean-Yves BARREYRE, Carole Peintre, Dunod, 2004, 146 p.

L’action sociale repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des personnes. Mais les outils pour effectuer cette évaluation sont à la fois rares, dispersés et partiels.  Parmi les outils disponibles, on compte bien des supports qui permettent de mesurer l’activité soit des services soit des professions du secteur ou encore d’identifier les populations prises en charge (enquêtes sociales) ou les problèmes spécifiques (comme les signalements pour mauvais traitements). Mais d’instrument d’observation partagée, point. C’est justement ce que nous proposent ici les auteurs qui présentent une grille couvrant dix domaines au travers de 46 items : l’Echelle Globale d’Evaluation de l’Autonomie (EGEA). A la différence de l’observation clinique qui préfigure un diagnostic, il s’agit là d’une démarche visant à dresser un état des lieux. Elle cherche à connaître les potentialités, les possibilités et les obstacles à l’intégration des personnes en difficulté. S’inspirant de la modification de la Classification Internationale des handicaps (CIH) intervenue en 2001 et qui a mis l’accent sur l’interaction de l’individu et de son environnement dans les déficits qui invalident le sujet, l’EGEA articule la dimension individuelle et collective. Mais elle refuse d’appliquer automatiquement la nouvelle nomenclature internationale en vigueur et préfère l’adapter à la réalité singulière et spécifique. Car, rappèle pertinemment les auteurs, il est vain de tenter de connaître la « vérité de la situation » ou la « situation véritable ». Mieux vaut tenter d’arriver à une vérité de la situation. Et il en existe simultanément et nécessairement plusieurs, les compréhensions plurielles de la même problématique de vie étant inévitables. Ne serait-ce qu’au travers des multiples institutions qui fondent leur analyse sur leurs missions propres et leurs logiques spécifiques (ce qui débouche parfois sur des évaluations qui concernent plus leur activité que les besoins des personnes). C’est pourquoi l’EGEA propose une base commune qui peut ensuite se décliner au travers d’échelles spécifiques à chaque population et être enrichie par des items complémentaires propres à chaque service. Outil proposé aux professionnels mais aussi aux familles et aux individus directement concernés. Car la personne observée constitue l’acteur principal et privilégié de l’évaluation sensée identifier ses besoins ! La démarche des intervenants doit toujours être confrontée à la perception qu’a l’usager de ses propres difficultés ou succès. Le recueil de ses attentes est indispensable pour déterminer le niveau de l’action sociale et les modalités de l’accompagnement. L’observation des besoins ne se confond ni avec la normalisation ni avec la critérisation. La démarche consiste bien à mesurer le degré d’adéquation entre les incapacités de personnes toujours singulières et les obstacles de leur environnement, mais aussi la cohérence et la stratégie globale d’intervention sociale qui leur est destinée.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°717 ■ 15/07/2004