Médiation et lien social

Sous la direction d’Yves MORHAIN, éditions Hommes & Perspectives, 1998, 198 p.

Voilà un ouvrage clair et précis qui apportera au lecteur une approche synthétique de ce qu’est la médiation.

Depuis toujours, la société a eu recours, pour concilier, arbitrer, prévenir et gérer les conflits, aux médiateurs qu’ils soient spontanés ou institutionnels (sages ou anciens du village). Puis, progressivement l’Etat-providence s’est approprié la fonction de médiation. Mais, à l’heure où un certain nombre de dysfonctionnements encombre notre société (banalisation des agressions, atomisation du lien social, développement de la précarité et de l’exclusion), les lieux de régulation sont submergés par l’inflation des saisines. “ L‘interventionnisme étatique a ainsi participé à la dissolution des solidarités primaires et par voie de conséquence à la désagrégation de ces structures intermédiaires.(…) Cette situation explique que pour bon nombre de conflits qui étaient autrefois régulés au sein de la famille ou du quartier, les seuls interlocuteurs soient la police, la justice ou les travailleurs sociaux. ” (p.64) On assiste depuis quelques années à un renouveau de la médiation. On la retrouve à tous les niveaux : familial, civil, pénal, administratif, au sein des grandes entreprises ou de l’Education Nationale, dans les quartiers ou au niveau national (Médiateur de la République instauré dès 1974). La pratique nous vient d’outre Atlantique. Elle correspond bien au modèle juridique anglo-saxon qui ignore les codes et la loi écrite au profit de la jurisprudence et de la négociation. Notre propre tradition latine se prête moins bien au processus de déconstruction/reconstruction qu’implique les mécanismes de la médiation. D’autant, que cette nouvelle pratique n’a pas pour ambition de répondre aux ratés du système, mais de proposer un nouveau modèle de régulation sociale et de rapport entre l’Etat et la société civile basé sur la décentralisation, la déjudiciarisation et la déprofessionnalisation. Il ne s’agit pas de privatiser la gestion des conflits, mais de réhabiliter des instances susceptibles de favoriser le dépassement des  litiges. Illustration de ces pratiques, plusieurs auteurs présentent dans l’ouvrage les domaines d’application possibles : lieux d’accueil pour l’exercice du droit de visite, intégration culturelle des populations étrangères, travail avec les victimes, sports de rue, séparation parentale … ce dont il s’agit c’est bien d’offrir un mode de résolution non-violent et une restauration du lien de confiance entre les protagonistes.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°473 ■ 11/02/1999