Travailler avec les familles démunies

Patricia et Slavador MINUCHIN, Jorge COLAPINTO, ESF, 2000, 247 p.

Cet ouvrage traduit de l’américain se veut un plaidoyer pour un travail social centré sur les familles et s’appuyant sur une méthodologie d’intervention systémique. Les auteurs explicitent, tout d’abord et avec beaucoup de talent, les principes théoriques dont ils s’inspirent : « se centrer sur l’histoire, la dynamique et le traitement individuel est insuffisant et il est nécessaire de travailler avec les gens dans le contexte de leur famille et de leur réseau relationnel.» (p.27) Ils commencent par un rappel sur ces systèmes que forme tout groupe humain et la nécessité pour l’intervenant de rester attentif à leur fonctionnement et plus particulièrement aux sous-systèmes qu’ils constituent et aux interactions réciproques qui les relient. Ils continent sur le mécanisme du changement et la déstabilisation que provoque inévitablement dans le système, tout événement nouveau. La perturbation qui s’ensuit menace l’équilibre antérieurement acquis. Les difficultés comportementales qui surgissent alors, ne doivent être perçues ni comme permanentes ni comme pathologiques : angoisse, dépression, irritabilité en sont les composantes affectives les plus fréquentes. Il faut, avant tout éviter de figer la perception que l’on peut en avoir et les privilégier en tant qu’étapes incontournables de toute évolution. Autre explication, celle portant sur le risques qui menacent tout intervenant qui ne s’appuierait pas sur les ressources du système et qui pourrait devenir alors involontairement un facteur de dysfonctionnement. Tout autre est le comportement qui incite les familles à devenir un agent actif de son changement. Cela passe aussi par la mise en exergue des liens positifs et capacités qui démentent les allégations négatives que celle-ci porte sur elle-même. Cela implique de tolérer ses tâtonnements et de l’aider à inventer de nouvelles attitudes en lui faisant confiance pour trouver son propre chemin. Cela signifie encore permettre à la colère de s’exprimer, accepter le conflit en cherchant plutôt à le médiatiser pour éviter à l’agressivité de prendre le dessus. « Pour aider les familles à reprendre le contrôle de leur vie, les équipes doivent brider leur propre comportement contrôlant, se demandant à chaque fois si l’intervention est nécessaire » (p.68) Mais, « il est difficile aux professionnels du secteur social de se retenir d’agir, de laisser l’action se dérouler et de déceler le bon moment pour intervenir » (p.56). Les auteurs ont consacré la deuxième partie de leur ouvrage, à une illustration de ce modèle à partir de quatre cadres professionnels : le placement familial, un centre recevant des femmes enceintes toxicomanes, les foyers résidentiels, un service de pédopsychiatrie et une services d’AEMO.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°565  ■ 22/02/2001