L’évaluation en protection de l’enfance - Théorie et méthode
Francis ALFÖLDI, Dunod, 1999, 201 p.
La mobilisation à laquelle on a assisté depuis quelques années, à propos de la protection de l’enfance en danger, justifie pleinement que soient élaborés des outils accessibles, simples et attractifs permettant de faciliter les signalements. Certes, la démarche d’évaluation consiste toujours à mettre en relation un référé et un référant, à mesurer l’écart entre la performance rapportée par le premier et la norme impartissant le second. Pour autant, s’appuyant sur une démarche transversale qui inclut tant la pédagogie que la sociologie, la psychologie, la psychanalyse, l’économie ou la statistique, cette démarche doit délibérément tourner le dos à une valeur-vérité qui constitue toujours une menace de dérive dogmatique. Les intervenants du secteur socio-éducatif possèdent une légitimité tant professionnelle (un diplôme et une compétence reconnue par ailleurs) que juridique (un mandat ou une mission). Cela ne les empêche pas de rester prisonnier de cette partialité propre à tout observateur. Leur approche des situations auxquelles ils sont confrontés passe par la mise en œuvre d’une dynamique implicite (jugement de sens commun s’appuyant sur leur références familiales, idéologiques, socio-culturelles, archaïques et expérientielles), d’une perception spontanée (jugements de valeurs immédiats à l’emporte-pièce - inoffensifs si on sait les relativiser), avant d’arriver à une évaluation instituée. Celle-ci ne peut s’appuyer sur la seule intuition. Elle doit tendre, non vers l’objectivité impossible à atteindre, mais l’objectivation qui permet de faire de la subjectivité un objet de connaissance. Cela correspond à un certain nombre de fonctions. C’est d’abord une aide à la décision, s’appuyant sur un partage de la responsabilité diagnostique. C’est ensuite l’appréciation de la gravité du danger, l’activation de la dynamique du changement et l’optimisation de l’intervention permettant d’enrayer le processus de maltraitance. C’est enfin la prise de distance suffisante, évitant ainsi que les retombées émotionnelles n’atrophient les facultés de penser. Francis Alföldi nous propose une méthodologie qui s’appuie sur neuf critères : le contexte sociétal (en quoi l’environnement influe sur les conditions de vie de l’enfant), la dynamique transgénérationnelle (l’influence de l’histoire familiale), les dispositions parentales, le fonctionnement de l’enfant, sa situation au regard de la santé physique, de la sexualité, des interactions psychiques avec son entourage, de l’investissement dont il bénéficie et enfin l’implication de l’intervenant (sa capacité à prendre le recul nécessaire à une évaluation de qualité). Chacun de ces critères est ensuite estimé en fonction de trois niveaux : bien-être de l’enfant, le niveau de risque et le niveau de la maltraitance, l‘ensemble étant articulé à partir de la méthode des génogrames.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°559 ■ 11/01/2001