La gouvernance des associations. Economie, sociologie, gestion
Sous la direction de HOARAU Christian et LAVILLE Jean-Louis, érès, 2008, 297 p.
Les associations qui avaient rêvé de bénévolat, de gratuité, de générosité et de travail en commun harmonieux, vivent parfois des enjeux de pouvoir, des conflits violents, des identités non reconnues, un sentiment de perte de projet et donc de sens. D’où l’intérêt de cet ouvrage qui se propose de rétablir ce que devrait être un mode d’organisation de plus en plus influencé par le monde de l’entreprise. La dirigeance associative, qui est passée successivement des mains des figures religieuses et paternalistes à des personnalités contestataires et charismatiques, est de plus en plus investie par une technocratie managériale qui s’inspire des techniques de gestion scientifiques des marchés. Certes, le contexte de restriction financière ambiant peut expliquer l’adaptation aux exigences de transparence financière et d’adéquation entre les recettes et les dépenses posées par les financeurs. Pour autant, le non respect des spécificités associatives présente le risque de compromettre durablement leur efficacité et leur efficience. Car, si le capitalisme s’appuie sur le marché et le secteur public sur la redistribution, le secteur social et solidaire fonctionne principalement sur le principe de réciprocité (volontariat, engagements informels, cotisations dons) et les ressources publiques. Ce qui les distingue fondamentalement des entreprises, c’est qu’elles n’ont pas pour objectif la maximisation du retour sur investissement, mais la mise en conformité avec les valeurs qui guident leur action. C’est qu’elles ne cherchent pas à élaguer tout secteur déficitaire, mais utilisent les marges réalisées par ailleurs pour rééquilibrer ce qui n’apparaît pas rentable. C’est que leur rendement ne se mesure pas à leurs résultats financiers, mais à leur fonction sociale. C’est qu’elles n’ont pas à être performante, même si elles font parfois preuve de performance. « Le désintéressement non utilitaire constitue une des meilleures garanties d’utilité sociale » (p.82) aux antipodes du modèle managérial qui s’est constitué dans les année 20, pour dépasser la gestion artisanale : rationalisation instrumentale s’appuyant sur l’évaluation et le contrôle, renforcement des procédures formelles, optimisation des réussites attendues, direction par objectif privilégiant le court terme, la concurrence et la négligence de ce qui n’est pas mesurable… Le critère de l’efficacité n’est ici pertinent qu’à condition d’être croisé avec les finalités et les valeurs à l’origine de l’association. C’est pourquoi les dispositifs de mesure doivent être pluriels, adaptatifs et non instrumentalisés. La redécouverte de ces principes d’identité et de sens constitue sans doute l’un des principaux antidotes à la bureaucratisation et à la marchandisation rampantes.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°934 ■ 25/06/2009