Un savoir de référence pour le travail social
DARTIGUENAVE Jean-Yves & GARNIER Jean-François, érès, 2008, 270 p.
L’heure étant à la gestion, à l’organisation et au management des dispositifs d’action sociale, les auteurs en appellent à la résistance et à une réflexion sur le sens du travail social. Reconnaissons-le, ils y arrivent avec beaucoup de maestria, proposant un véritable scanner d’une pratique professionnelle qu’ils revisitent au scalpel. A ceux qui opposent une théorie synonyme de verbiage et d’idéologie à un quotidien seul apte à rendre compte de la réalité, ils rappellent que nous sommes tous amenés à formaliser le monde qui nous entoure. Nous avons simplement le choix entre réduire la singularité de ce que nous observons aux apparences ou adopter une visée scientifique qui confronte notre appréhension de la réalité sociale avec le modèle théorique susceptible de nous éclairer que nous avons choisi. Les professionnels sont confrontés à une hétérogénéité de savoirs qui constitue un patchwork les contraignant à puiser dans divers registres d’explication, sans réussir toujours à les articuler, pour rendre compte de la cohésion et de la cohérence de la situation à traiter. Plutôt que d’une pluridisciplinarité qui ressemble bien plus à une multi professionnalité, les auteurs proposent de se tourner vers une anthropologie unifiante. Pour l’illustrer, ils passent en revue toute une série de concepts clés du métier. L’autonomie ? Cette notion centrale s’oppose à l’interdépendance fondatrice à toute vie en société. L’usager devenant acteur ? Comme s’il ne l’était pas déjà, en dehors de la relation de service, dans laquelle on veut l’enfermer. Créer du lien social ? Ainsi, comme un véritable démiurge, le travail social ferait émerger ex-nihilo une relation non pré existante à son action. L’accompagnement respectueux de l’autre ? Le travailleur social ne s’autorise que rarement à assumer la responsabilité de la prise en charge de l’autre. Le contrat ? Illusion que de penser pouvoir créer une relation de parité, condition sine qua non de ce type de rapport humain. L’insertion ? Un impératif catégorique auquel le sujet doit se soumettre, en se montrant en outre motivé. L’écoute ? La simple énonciation d’une parole aurait donc une vertu communicatrice et libératoire. Celui qui écoute, qu’il le veuille ou non, analyse toujours implicitement le dire de l’autre, en fonction de la manière dont il a de l’entendre. L’évaluation ? Elle est toujours dépendante du cadre de référence de son auteur. D’où la nécessité d’analyser l’analyse. Ni la vérité, ni la réalité, ni l’évidence n’existent en tant que telles : c’est le point de vue qui construit l’objet. Et, c’est cette construction qui doit être interrogée en permanence.
Paru dans LIEN SOCIAL ■ n°954 ■ 17/12/2009