L’intervention du travailleur social. Dynamiser les pratiques
WEBER Philippe, Chronique Sociale, 2008, 328 p.
Philippe Weber nous propose ici une réflexion richement documentée sur un métier qui n’a jamais autant été sous le feu des critiques. Sa première approche se veut théorique. Se méfiant d’une psychanalyse qui a trop souvent conduit les travailleurs sociaux à s’enliser dans des interprétations linéaires et causales venant peu ou prou légitimer la situation d’une personne, au prétexte qu’elle serait sous l’emprise de facteurs hors de sa volonté, l’auteur s’appuie sur d’autres entrées comme la systémie ou le constructivisme. Il rappelle d’abord que la systémie n’est ni une philosophie, ni une religion, ni une pensée, ni une méthode, encore moins une thérapie. C’est un état d’esprit, une épistémologie, un outil conceptuel qui part du principe que l’observateur fait toujours partie du système qu’il observe, son évaluation étant étroitement liée à la position qu’il occupe, à son cadre de référence et à sa vision du monde. Ainsi, de la perception du handicap, qui s’avère bien différente selon les contextes socioculturels dans lesquels elle émerge. En occident, on est passé d’un modèle essentiellement individuel et médical (une pathologie qui provoque des dysfonctionnements physiques et relationnels) à un modèle social qui insiste surtout sur la dimension invalidante de l’environnement (capacité ou non à garantir les adaptations nécessaires). Seconde source d’inspiration pour l’auteur, le constructivisme qui affirme que le contexte, tel que nous le percevons est de notre invention. Chacun étant producteur de ses conditions de vie, le travail social consiste alors à permettre l’émergence de l’autodétermination de chacun. L’aléatoire et l’imprédictible peuvent se déployer, au gré d’une intervention élaborée, négociée et co-construite entre le professionnel et son client. Mais, Philippe Weber n’est pas seulement un théoricien talentueux. Il est aussi un professionnel de terrain n’hésitant pas à mettre en scène sa pratique. S’il évoque toute une série de principes de base portant sur la durée du suivi, la position spatiale lors de la rencontre, l’acceptation de notre impuissance face au choix de l’usager de renoncer à être aidé, la mise en garde contre des réponses immédiates et la préférence pour une culture du questionnement, il est curieux de le voir adopter des positions rigides sur un cadre protecteur : annoncer à l’avance le nombre d’entretiens et leur durée, refuser de communiquer hors cadre, éviter de se déplacer à domicile et si on y est contraint, « l’intervenant doit d’emblée prendre les choses en main » (p.178). On est bien loin là de son plaidoyer théorique sur une méthode qui émergerait en situation, hors de toute pré programmation. Reste un ouvrage passionnant que l’on ne peut que recommander.
Paru dans LIEN SOCIAL ■ n°954 ■ 17/12/2009