Les relais envers et contre tout
Entretien avec Pierre Duponchel, éditions Rue de l’échiquier, 2009, 143 p.
Les Relais n’ont jamais excellé dans la communication. Depuis 25 ans qu’ils existent, ils ont préféré démontrer que leur utopie était possible … en la concrétisant. Aujourd’hui, avec 1.100 salariés, 18 antennes réparties sur tout le territoire, traitant 60.000 tonnes de vêtements récoltés dans 8.000 conteneurs, cette entreprise d’insertion peut célébrer son plein succès. Le concept a été mis au point en 1984, à Bruay-La-Bussière, dans le Nord. Puis l’essaimage s’est réalisé en deux vagues, toujours selon le même schéma. Le responsable voulant se lancer dans la création d’un Relais vient s’immerger 6 à 8 mois dans une antenne déjà existante, pour s’imprégner de méthodes de l’association. La première équipe qu’il recrute vient, à son tour, apprendre le travail dans une antenne pendant deux mois. Il faut bien cela, pour se familiariser avec le fonctionnement de ces Relais qui ne ressemblent à rien que l’on connaisse ailleurs. Comme toute entreprise d’insertion, il s’agit bien de servir de transition à l’intégration dans le monde ordinaire de l’entreprise. Des outils ont été conçus pour le permettre. Mais, la vocation de cette association étant d’aller vers ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi, les deux années maximum de contrat aidé par l’État ne suffisent parfois pas. Plutôt que remettre l’usager à la case départ, le Relais le garde le temps qu’il faudra. La recherche de performance économique sert justement à cela : trouver les ressources pour permettre de maintenir l’emploi de ceux qui continuent à rencontrer de grosses difficultés. Autre particularité de cette association décidément atypique : la démocratie directe. Chaque mois, une assemblée générale des personnels débat des modalités de fonctionnement. En contradiction avec la législation du travail, il n’y a ni délégué du personnel, ni comité d’entreprise. L’opposition capital/travail n’a pas lieu d’être ici, puisque ce sont les salariés qui décident du sort d’une entreprise qui n’appartient à personne. Autre originalité, des salaires qui s’échelonnent entre 1000 et 3.000 €, chacun recevant une rémunération non en fonction de ses compétences, mais de ses besoins : le salarié qui a en charge une famille nombreuse percevra plus qu’un célibataire, même si ce dernier est cadre ! Les Relais ont l’ambition de démontrer qu’une autre forme de démocratie sociale est possible dans l’entreprise. Et cela marche. Tout n’est pourtant pas idyllique. Le travail proposé est psychologiquement et surtout physiquement éprouvant et exigeant. Si 30 à 40 % des candidats seulement vont au-delà du premier jour, 90% de ceux qui tiennent trois mois, restent. Ce qui compte avant tout, c’est l’intégration des moins performants. Une expérience à découvrir, absolument.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°957 ■ 21/01/2010