Normes et valeurs en travail social. Repères pour le soin et la relation
MERLIER Philippe, Ed. Seli Arslam, 2016, 159 p.
S’appuyant sur les travaux de Durkheim et de Rousseau, de Kant et de Tocqueville, de Canguilhem et de Castoriadis, de Sartre et de Foucault, de Becker et de Goffman, Philippe Merlier agrégé et docteur en philosophie nous propose une synthèse passionnante de ce que le travail social peut attendre et craindre de la norme. Premier constat : toute société fonctionne à partir de normes sociales qui ont pour fonction de réguler les pratiques communes, en élaborant des repères, en fixant un cadre de référence et en fournissant des points d’appui. Mais, les frontières et les limites entre ce qui est licite et illicite, permis et interdit, admis et réprouvé est avant tout une construction psycho sociale marquée par un contexte historique, culturel et spatial. Ce qui n’est pas dans la norme aujourd’hui pouvait l’être hier ou le sera demain. Second constat : la normalité définit une moyenne et une constante qui ont été généralisées de façon empirique. Mais, l’anomalie n’est pas la maladie et l’anormal n’est pas le pathologique. Aucune statistique ne permet de décider ce qui est normal ou pas. Troisième constat : la norme fonctionne comme critère et principe de jugement, désignant ce qui est prescrit en s’identifiant à un modèle de perfection, une utopie et un modèle à atteindre. Tout ce qui s’en écarte est jugé déviant. Mais, l’étiquetage et la stigmatisation en constituent les pires conséquences. Le défi à relever pour les travailleurs sociaux est bien de normer et de cadrer, sans normaliser. Il leur revient d’avoir à rejeter l’institué qui maintient en l’état et fige les critères, tout en privilégiant l’instituant, ce processus dynamique et actif qui (ré)invente les cadres et (ré)organise les normes, en s’adaptant en permanence à la plasticité humaine.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1205 ■ 13/04/2017