Chronique du 115. Une histoire du Samu Social

Aude Massot, Ed. Steinkis, 2017, 119 p.

C’est bien la première fois, sans doute, qu’un roman graphique (novlangue désignant une bande dessinée) est entièrement consacré à un service social. Et pour un coup d’essai, c’est plutôt un coup de maître. Aude Massot, à la fois scénariste et dessinatrice, met en scène l’enquête qu’elle a menée auprès du Samu social de Paris. En fait, c’est elle le fil rouge du récit. La première page décrit la communication téléphonique qu’elle donne pour savoir si elle peut suivre une maraude. La dernière décrit un atelier crêpe de l’Hospice Saint Michel de Saint Mandé qui ne fait donc pas que soigner les sans abris. Entre les deux, plus de cent pages permettant au lecteur de cheminer avec l’auteure à la rencontre des sans abri et des personnels du SAMU social. L’occasion de mieux comprendre le quotidien de la vie dans la rue et le travail des professionnels qui vont à la rencontre des plus démunis. Le fondateur du SAMU social, Xavier Emmanuelli a droit à une interview illustrée à travers une vingtaine de planches éclairant l’histoire de la création de l’association. Aude Massot se risque même à tenter d’expliquer en bande dessinée un concept ethnologique aussi théorique que les quatre grands codes qui traversent tout être humain (le corps, le temps, l’espace et l’altérité). Et, elle y arrive avec succès. Voilà un album particulièrement attachant marqué au coin d’une profonde humanité. Les situations les plus tragiques sont présentées avec respect et retenue. L’éthique des intervenants sociaux est soulignée. C’est avec humilité que l’auteure rapporte ce dont elle a été témoin. Le trait est précis et sobre. L’enchaînement des séquences est fluide. Rien de surprenant quand on sait qu’elle est diplômée des ateliers BD de l’école bruxelloise Saint-Luc et qu’elle travaille comme storyboarder dans le dessin animé. On peut néanmoins s’interroger sur les raisons qui l’ont amenée à concevoir un tel projet, alors que rien ne la prédisposait à le faire. C’est la rencontre avec Lucile Martin, ancienne assistante sociale sur les maraudes du Samu social, qui a tout déclenché. Le récit des nuits passées avec les sans abris a littéralement passionné Aude Massot, au point de la convaincre de se lancer dans cette aventure, pour notre plus grand bonheur.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1204 ■ 30/03/2017