S’il suffisait de traverser la rue
CHIBANI-JACQUOT Philippe, Éd. Les Petits Matins, 2019, 141 p.
Ils sont bangladais, égyptiens, algériens, malgaches, français... Mais, ils parlent tous le même langage : celui de la cuisine. Et cela fait plus de 25 ans qu’ils font tourner un restaurant à Pantin : Le Relais. Cette entreprise d’insertion a été créée par Belkha Kheder, ancien éducateur de rue, alliant un centre de formation professionnelle tant qualifiante que pré qualifiante immergée en condition réelle dans un restaurant d’application ouvert au public. Cela semble banal aujourd’hui. Cela l’était bien moins à l’époque. Quelle aventure improbable que d’occuper les locaux d’une ancienne fonderie du 19ème siècle, friche industrielle aux abords du Canal de l’Ourcq. Il avait fallu nettoyer la salle de restaurant des scories du chantier, installer une soufflerie pour repousser le froid, faire venir l’eau par des tuyaux, installer la cuisine sous un hangar bâché et non chauffé… Mais, tous ces efforts avaient payé : le 2 janvier 1992, les premiers repas pouvaient être servis. Aujourd’hui, le pari est gagné : les stagiaires relèvent quotidiennement le défi de servir plus de cent couverts, en deux heures. S’inscrivant dans la logique de l’économie sociale et solidaire, Le Relais fait la démonstration qu’une entreprise peut mettre son activité économique au service d’un projet social. Depuis son ouverture, c’est plus de 5 000 personnes qui ont fait l’apprentissage d’un savoir-faire, d’une conscience professionnelle et du sentiment d’être quelqu’un pour l’autre : celui ou celle qui contribue au plaisir du convive qui déguste son repas. Quatre sur cinq quittent l’entreprise avec une qualification ou un emploi en cohérence avec ses aspirations. Intégration des circuits courts et de l’agriculture biologique à un modèle qui ne demande qu’à essaimer : l’avenir est grand ouvert.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1279 ■ 14/09/2020