Sociologie de l’intervention sociale

ASTIER Isabelle et MEDINI Arezki, 2019, Éd. Armand Colin, 174 p.

Jusqu’aux années 1970, le modèle social français de l’Etat providence a nourri l’ambition de libérer la société du besoin, en s’appuyant sur une duali­sation : les assurances sociales bénéfi­ciant aux citoyens ayant cotisé et la soli­darité nationale destinée à soutenir les populations envers qui un devoir d’en­traide s’imposait. Une mutation majeure est intervenue, quand les droits individuels ont été hissés au rang de valeur centrale. Ces droits privés ont établi une disjonc­tion entre leurs titulaires et le corps social dans son ensemble. Ils ont individualisé les réponses à des problèmes sociaux col­lectifs. La créance due par la société à cha­cun de ses membres a fait place à l’impli­cation personnelle. La logique d’inclusion a peu à peu remplacé celle de l’intégra­tion : faire face à ses difficultés ne relève plus d’un enjeu sociétal, mais d’un défi individuel à les résoudre par soi-même. La logique contractuelle s’est substituée à la logique de statut. On n’est pas accom­pagné parce qu’on est délinquant, handi­capé, chômeurs ou allocataire, mais pour se montrer capable de construire un projet et d’être acteur de son avenir. Il ne s’agit plus de faire la place aux plus fragiles, mais de produire chez eux la capacité à prendre place socialement parmi les autres. Le tra­vail social consiste dorénavant à activer des régulations secondaires qui complètent et compensent les insuffisances et défail­lances de la sociabilité première. Les usa­gers sont incités à s’activer, se responsa­biliser et s’engager, devenant une figure hybride du client et du consommateur. L’ac­tion sociale s’est donnée pour objectifs non plus de rendre la société plus accueillante et intégrative, mais de développer les com­pétences à même de combattre le défai­tisme et la passivité supposées.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1293 ■ 13/04/2021