Tensions et émotions dans le travail social précaire
CHARLES Charlène, Éd. Octares, 2021, 238 p.
Et si la solution face à l’épuisement professionnel résidait dans le travail en interim ? Les entreprises proposant ces missions ont été multipliées par dix depuis 2005. Elle-même ancienne éducatrice spécialisée, l’auteure nous livre une étude ethnographique passionnante sur cette forme d’intervention qui introduit la logique de rentabilité, emblème de la néo-libéralisation lucrative d’un secteur qui intègre progressivement cette flexibilité, cette file active en flux tendu et cette externalisation propres au management marchand. Le premier constat, c’est que le choix de travailler sous cette forme n’est pas contraint, nombre d’offres d’emploi à durée indéterminée ne trouvant pas de candidats. Certains y cherchent une compensation en termes financiers ou de négociation de moments de respiration dans leur emploi du temps. D’autres, refusant toute affiliation, y voient l’occasion de diversifier leur parcours professionnel. Il y a aussi une opportunité de promotion pour les personnes dont le capital culturel ne permet pas d’accéder aux IRTS et qui se forment par expérience. Le recours à l’interim dans le social répond souvent aux situations de crises et d’exaspération des équipes (débordement, usure, souffrance au travail…), symptôme d’une urgence qui devient durable et du durable qui se gère dans l’urgence. Pour autant, cette modalité contractuelle étant synonyme d’un déracinement de tout ancrage durable, d’une inquiétude identitaire, d’un nomadisme sans issue, d’une solitude radicale, d’une instabilité permanente, d’une désaffiliation… elle est aux antipodes de la continuité professionnelle et de la sécurité affective, de l’apaisement et du patient tissage de liens attendus pour promouvoir l’équilibre des personnes accompagnées qu’une rotation permanente vient dévaster.