Usure dans l’institution
BRANDELO Daniel (sous la direction), Éd. ENESP, 2017, 330 p.
Cet ouvrage en est à sa troisième édition. D’autres suivront, tant son contenu est d’une grande richesse. Véritable manuel encyclopédique, ses chapitres peuvent être consultés au gré des centres d’intérêt du lecteur. Il intéressera bien au-delà des professionnels de maisons d’accueil spécialisé ou de foyers d’accueil médicalisé sur lesquels il est pourtant centré. Héritiers des services asilaires de « défectologie » d’autrefois, spécialisés dans ce qu’un Manuel de psychiatrie désignait encore en 1978 (?) comme de la « débilité » et/ou de « l’arriération » profonde, ces établissements cumulent les fonctions de soins intensifs, de service médico-social et de prise en charge au long cours de gériatrie. Certes, ils confrontent à une telle réalité traumatogène, qu’ils convoquent des représentations monstrueuses. Pour autrant, ils sont le produit de la réhabilitation de patients considérés dorénavant comme des sujets et non plus des objets institutionnels. Les modalités de communication sont perturbées par un mutisme prolongé, réduites à des cris modulés et des paroles stéréotypés, ne se manifestant qu’à travers les expressions du regard ou des postures corporelles ? Ce sont pourtant des capacités, des ressentis et des émotions d’êtres humains qu’il s’agit de décrypter. Travailler avec un public aussi vulnérable expose au surinvestissement ou à l’indifférence, à l’impuissance ou à la toute-puissance, avec à la clé, un épuisement physique, émotionnel et mental potentiel. La qualité de vie au travail implique ici une vigilance particulière. D’abord, sous la forme d’une prévention proactive qui anticipe les risques, plutôt que d’en limiter les conséquences. Mais aussi, à travers une réactivité qui peut se résumer dans les six axes illustrés dans ce livre : former en continu les personnels aux notions de normal et de pathologique, de compréhension de la demande formulée, de contrôle de soi, de gestion des problèmes rencontrés etc… ; proposer des activités adaptées qui, en stimulant la recomposition et la reconquête de l’estime de soi des résidents, réinsufflent celle de soignants ; permettre la mobilité professionnelle pour anticiper l’usure ; introduire du tiers pour sortir du face à face avec le patient ; injecter de la parole tant dans l’analyse de la pratique que dans la vie d’équipe ; last but not least un management qui ne se limite pas à la seule gestion budgétaire.