Une assistante sociale "Extra" ordinaire
Benveniste Thorez, Carole, Éd. Un point c’est tout, 2023,151 p.
Chaque profession possède sa part d’originalité qui sort de l’ordinaire. A lire le livre de Carole Benveniste Thorez, il apparaît que la profession d’assistante sociale est quand même plus extra-ordinaire que bien d’autres
Puissance de l’empathie et force de la compassion, tels sont les qualificatifs utilisés dans la préface. Le lecteur ne pourra que s’en convaincre en suivant les mille et une aventures de cette professionnelle. L’auteur n’a pas choisi de chroniquer la dimension routinière qui n’échappe à ce métier, pas plus qu’à un autre. Elle nous plonge dans l’improbable, l’inattendu et l’impensable. Mais aussi inimaginables que puissent être ces courts récits, toute assistante sociale pourrait en décrire d’aussi surprenant.
Faut-il avoir peur de recevoir cet usager qui a récemment envoyé une chaise à travers le bureau de l’assistante sociale scolaire ? C’est sans doute l’inconscience du danger qui peut le mieux parfois garantir du risque encouru. Encore faut-il vérifier que ce patient schizophrène sous traitement l’a bien pris, avant de l’accueillir seules dans son bureau !
La visite à domicile peut confronter à bien des surprises. Celle par exemple de devoir assurer l’entretien en étant assise dans le couloir de l’immeuble, l’usager étant quant à lui confortablement installé dans son vaste logement de … 2 à 3 m² ! Ou bien découvrir une personne âgée allongée sur son lit, comme morte. Jusqu’à ce que le cadavre se mette à bouger !
L’action sociale aide les vivants, mais aussi peut sauver de la mort. Cette femme était sur le point de se pendre. L’arrivée de l’assistante sociale l’en dissuadera. Cette avocate réfugiée après avoir fui son pays, se noie dans l’alcool. L’attention et la bienveillance déployées lui permettront de s’en sortir. Ce SDF semble totalement perdu. Son hospitalisation en urgence à l’initiative de l’auteure permettra de détecter et d’opérer une tumeur au cerveau, grosse comme une orange.
Parfois, les logements visités sont quand même un peu négligés. Ce monsieur a pris l’habitude d’étendre ses matières fécales sur les murs. Le fils de cet autre n’a rien trouvé de mieux que de confier ses quarante chats à son vieux père, en attendant de trouver un nouveau logement. L’odeur est pestilentielle. Sans compter ce syndrome de Diogène qui fait accumuler des objets sans raison, y compris des produits périssables, autre que le désir d’accumulation.
Sur la voie de l’insertion , Monsieur est rentré fortement alcoolisé à son domicile. Il roue de coups sa femme. Jugé, il décide d’accepter le verdict, sans se défendre. Il considère qu’il a mérité la sanction qui lui sera infligée. Il sortira d’incarcération, avec la ferme intention de se réinsérer. Ce qu’il réussira brillamment.
Et puis il y a ces soupçons qu’il faut étayer. Un signalement aussitôt bloqué par la hiérarchie qui ne le considère pas comme crédible. Jusqu’à ce qu’une descente de police découvre un trafic d’enfants et une activité de proxénétisme. Ou au contraire, une évaluation demandée suite à une alerte au numéro vert enfance maltraité. Finalement, il n’y a pas d’enfants enfermé dans un placard !
Bien sûr, le travail d’assistant de service social ce n’est pas que cela. Mais c’est ça aussi ! La plus-value de cette profession ne tient ni dans des statistiques, ni dans les chiffres à atteindre. Elle se situe dans l’écoute, dans la bienveillance et dans l’absence de jugement véritable triptyque de l’accompagnement social. Tout le monde ne se sentira peut-être pas prêt à l’exercer. Quand il lira le parcours de vie de l’auteure résumé dans la dernière partie de son livre, le lecteur considèrera que c’est là la bonne personne au bon endroit.