Guide pratique des écrits professionnels en travail social
Dubasque Didier, Éd. EHESP, 2024, 160 p.
Ah, l’écriture professionnelle ! Que le travailleur social qui n’a pas été, au moins une fois, pris d’anxiété devant sa page ou son clavier lève le doigt. J’en vois juste un qui se risque à soulever une timide et hésitante main. Mais c’est en réalité parce qu’il n’a pas bien entendu ma question et souhaite que je la reformule. Pas de panique, voilà un manuel utile et nécessaire à garder toujours à sa portée répondant avantageusement à toutes les appréhensions.
Bien structuré, explicite et doté en fin de chaque partie de petits résumés encadrés permettant de synthétiser les informations apportées, le livre de Didier Dubasque pourrait se contenter d’être un ouvrage de plus s’ajoutant à tous ceux déjà publiés sur le même thème. Pour reprendre et détourner le titre d’un long métrage récent, disons qu’il a « un p’tit truc en plus ». J’en ai, pour ce qui me concerne, trouvé trois qui m’ont particulièrement marqué : l’audace, le contradictoire et l’éthique.
Première des qualités de ce livre donc, l’audace. Se lancer dans une présentation aussi complexe nécessitait de la créativité et une forme d’intrépidité. Certes, il ne sera jamais possible de se montrer exhaustif sur cette question placée au cœur du quotidien des professionnels. Mais le souci d’approfondissement de l’auteur l’a conduit à labourer profondément son sujet (évitant tout traitement superficiel), à se montrer explicite (en privilégiant des exemples et des illustrations autant que de besoin) et à entrer dans les détails (sans toutefois s’y perdre). Le lecteur trouvera dans cet écrit bien des réponses aux questions que pose l’auteur, interrogations qui croiseront singulièrement les siennes.
Le contradictoire, ensuite. L’époque est aux affirmations péremptoires, aux injonctions impératives et aux certitudes autoproclamées. Ici, rien de tel. Tout au contraire. Le choix a été fait d’une large ouverture à un ensemble de possibles. Bien des possibilités sont proposées, avec à chaque fois une liste d’avantages et d’inconvénients. L’auteur ne dit jamais ce qu’il faut faire, mais ce qui pourrait être fait, avec les risques et les atouts de chacune des options. Au professionnel ensuite d’opter, en connaissance de cause, pour une pratique d’écriture ou pour une autre. Cette intention ne prend pas la forme d’une quelconque imposition de « bonnes pratiques », mais par une proposition, le praticien étant invité à en disposer selon ce qui lui semble le plus adapté.
L’éthique, enfin. Pour être technique et présenter de multiples outils utilisables assez aisément, ce livre ne tombe jamais dans la technologisation. Le lecteur est incité, de page en page, à respecter la déontologie de la profession, à protéger la confidentialité des informations confiées et à préserver le rôle d’acteur des usagers. Ce n’est pas le support écrit qui doit dominer le professionnel, mais ce dernier qui doit maîtriser de bout en bout l’instrument. La dernière partie de l’ouvrage consacré aux outils numériques en est l’illustration parfaite. Que ce soit le courriel, l’intelligence artificielle ou les plateformes collaboratives, la vigilance doit être de mise. Non pour les rejeter, mais pour en avoir un usage raisonnable et raisonné.
A l’étudiant en travail social avide de conseils, de méthodologie et de solutions toutes faites, je dis détrompe-toi. Il te faudra réfléchir et donner du sens à ta préférence envers telle approche ou telle solution. Ton choix reflétera tout autant tes compétences qu’il t’aidera à mieux te connaître toi-même.
Au travailleur social aguerri qui possède une solide expérience d’écriture professionnelle se disant que ce livre n’est pas pour lui, je réponds « tu passes à côté d’un livre important ». Il y a là une infinité d’informations et de supports que tu n’imagines pas. Tu seras conforté et rassuré, mais tout autant déstabilisé et décontenancé. Ce qui n’est pas toujours gratifiant, mais tellement roboratif.
Au lecteur candide, curieux et ouvert sur une réalité peu connue se demandant s’il est concerné, je dis que cette lecture n’est pas seulement faite pour les professionnels. Car si l’écriture des travailleurs sociaux est frappée au coin d’une spécificité qui leur est propre, les techniques exposées dans ce livre sont largement praticables hors de ce champ corporatif.
Bon, vous faites comme vous le voulez. Mais moi, je m’y replonge. J’ai beau avoir écrit professionnellement et rempli des centaines de pages d’articles pendant trente ans, j’y ai trouvé plein de choses que je ne connaissais pas !