Vivent les vacances? Les temps libres dans la dynamique des enfants, des familles et des Institutions
Sous la direction de Michel SOULE, E.S.F., 1995, 151 p
Les vacances ont été pendant longtemps le privilège de rentiers et de riches oisifs occupant leur temps de loisirs, entre autre, au plaisir du voyage.
La revendication de l’égalité des hommes va passer en 1793 par la suppression par la Convention des jours fériés à caractère religieux qui réduisent de beaucoup le temps libre. Il s’agit alors de faire reculer le pouvoir de l’Eglise sur le calendrier.
C’est en 1853 que les fonctionnaires obtiennent dans leur statut, deux semaines de congés par an sans retenue de salaire. Une partie des ouvriers et des employés suivront et ce jusqu’à la généralisation du droit aux Congés Payés par la loi du 11 juin 1936 (adoptée par 563 voix contre 1 à la chambre des députés). Des deux semaines, on passe à trois en 1956, à quatre en 1969 et à cinq en 1982.
Les années 50, c’est aussi l’extension du tourisme de masse, le développement des Maisons Familiales, des Villages-Vacance et des Clubs de Vacances. Aujourd’hui c’est un peu plus que la moitié des français (soit 30 millions) qui partent en congés. Mais, là aussi, les facteurs budgétaires et professionnels s’imposent pour certaines catégories sociales. Si près de 90% des cadres supérieurs et professions libérales partent en moyenne plus de 35 jours par an, les exploitants agricoles, eux ne profitent qu’à moins de 17% de ces mêmes vacances et encore le plus souvent sur un week-end ou deux.
En la matière, les adultes restent le plus souvent tributaires de leurs rejetons. Les congés scolaires ont été très longtemps liés au travail saisonnier des enfants. Ils étaient fixés à l’automne (à cause des moissons de l’été). C’est en 1891 qu’ils sont avancés au 1er août et en 1912 à la mi-juillet. Ainsi, en 20 ans, ils sont passés de 6 à 10 semaines ! Mais l’évolution de la société ne laisse pas plus de place à l’intérêt de l’enfant et aux arguments pédagogiques. La division du pays en zones et l’étalement des dates de début et de fin répondent en fait à la nécessité de répartir les départs pour éviter les engorgements et surtout aux intérêts de l’industrie du tourisme.
Le voyage sollicite les points sensibles de l’individu en le contraignant à rompre la ligne du quotidien, à sortir de son cadre habituel et à produire du temps auquel il n’est pas habitué. Pour autant, même ces facteurs de déséquilibre propices au renouvellement, sont à relativiser, tant il est vrai qu’ils sont de plus en plus intégrés aux pratiques collectives marquées par des normes et des valeurs dont la production échappe aux individus. Reste alors la paresse dont l’éloge ne doit pas laisser en nos esprit le moindre doute: elle constitue par rapport à l’activité l’autre face incontournable d’une même médaille qui se veut épanouissement et plénitude. Et ce, à l’image de ce génome qui pour fonctionner correctement a besoin que 99% de son matériel chromosomique reste inactif.
Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°316 ■ 20/07/1995