La baignoire d’Archimède - Petite mythologie de la science

Sven ORTOLI et Nicolas WITKOWSKI, Seuil, 1996, 157 p.

Chaque époque possède ses mythes. La science n’y échappe pas: il s’agit alors de construire un pont entre l’incompréhensible et le quotidien, entre le magique et l’ordinaire. Aussi manichéens soient-ils, ils ne se discutent pas: leur existence-même constitue la preuve suprême de leur utilité. L’idée d’aller y voir de plus près est quasiment iconoclaste. C’est pourtant ce que nous proposent deux journalistes dont l’un est physicien et l’autre créateur de « Science & vie junior ». Avec un humour à la fois ravageur et décapant, ils revisitent pour nous vingt mythes scientifiques rentrés pour la plupart dans la culture populaire.

On retrouve bien sûr Archimède dévalant la grande rue de Syracuse nu comme un ver à la sortie de sa baignoire au cri de « Eurêka ». Mais on s’interroge aussi sur la véritable nature de Léonard de Vinci fêté comme génie de la renaissance et qui semble plus se situer à la juste distance entre le lettré et l’ignorant. Quel gamin n’a pas admiré Bernard Palissy qui pouvait se permettre de brûler tous ses meubles quand la moindre rayure sur le meuble du salon valait alors inévitablement une paire de taloche ? Et cette métaphore de la pomme de Newton, popularisée par Gotlib, qui cadre mal avec ce grand physicien opposé à toute vulgarisation qui rendait ses textes à dessein inaccessibles. Quant au fameux mouvement perpétuel qui fera l’objet jusqu’à l’aube du XXème siècle des compétitions les plus passionnées, le vainqueur toute catégorie est un horloger des années 1760 qui met au point un ingénieux système permettant de remonter son mécanisme au gré des basses et hautes pressions... de la pression atmosphérique. Des années durant, les paléontologues s’efforceront de trouver le chaînon manquant entre l’animal et l’homme jusqu’à ce qu’ils comprennent  que l’évolution humaine ne constitue pas une chaîne unique rendant par là-même vaine leur quête. Plus récents sont les ovnis, le big bang, les trous noirs sans oublier l’inévitable papillon de Lorenz qui d’un battement de l’aile à un bout de la terre peut par réactions en chaîne provoquer une tornade à l’autre bout !

Voilà donc une anthologie des mythes scientifiques modernes qui vient à point nommé à une époque où le Progrès ayant remplacé la (divine) Providence dans la destinée humaine, on s’est aperçu que cette entreprise humaine était soumise elle aussi à l’erreur et au doute comme à la bêtise et à la corruption.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°361 ■ 11/07/1996