Les écrans dévorent-ils vos enfants?
Monique BRACHET-LEHUR, Fleurus, 1997, 193p.
« Quand on est gavé d’images et de sons, le risque est de ne plus exercer sa capacité à être seul à penser, seul à créer ses images mentales » explique Monique Brachet-Lehur. « L’étrange lucarne » est toutefois devenue un bouc-émissaire bien commode. De quoi chercher à faire vraiment le point sur la nocivité de l’influence télévisuelle. Ce petit livre y contribue avec efficacité. La télévision est à la fois un formidable outil culturel, de loisirs, de savoir et de détente et un vecteur de dépendance (défilement continue et langage codé des images qui par leur puissance évocatrice donne l’aspect de la vérité). En fait, ce qui compte, c’est bien la distance établie à son égard. Elle est bonne quand le spectateur maîtrise ses émotions, conserve son esprit critique et préserve sa liberté de choix. Elle est mauvaise quand s’instaure une confusion entre l’imaginaire et le réel. A partir de cette distinction essentielle, on peut se débarrasser d’un certain nombre d’idées reçues. Les enquêtes réalisées ces dernières années ont permis en effet, d’établir que certes l’importance chez les enfants de cette TV (3ème position après le sommeil et l’école), pour autant, elle fait rarement abandonner le jeu avec les copains. Les enfants regardent moins la télévision qu’avant (du fait, il est vrai des jeux vidéo et magnétoscopes). En ce qui concerne les adolescents, ils ont tendance à s’en détourner du fait-même de sa caractéristique de loisir-familial-type (ils s’en éloignent dans le même temps où ils se rapprochent du téléphone pour communiquer avec leurs pairs !). La violence, quant à elle, est plus impressionnante pour les enfants dans les reportages que dans les fictions. Ces dernières les influencent elles aussi, mais de façon bien différente selon les sujets. Pour certains enfants, elle a un rôle cathartique comme pouvaient l’avoir certains mythes, légendes et contes d’autrefois. Pour d’autres, de tels spectacles peuvent avoir un effet tout à fait incitatif. En fait, cette violence ne fait que se mettre en résonance avec l’agressivité des spectateurs eux-mêmes irrités, frustrés potentiellement agressifs, ou encore avec ceux qui sont fragiles et mal identifiés dans leur identité sociale. Entre l’âge de 12 et de 17 ans, on distingue trois manières de pratiquer la télé : celle qui est voulue, choisie, celle qui est plus flottante (la TV est alors regardée en même temps que d’autres activités ou sous la forme du zapping) et enfin celle de l’ennui qui vient combler les vides. Mais dans tous les cas le contre-poids familial apparaît essentiel. En permettant à l’enfant de réagir face au petit écran et surtout en répondant à ses émotions, ses joies, ses peines, il est possible de l’aider à nuancer son regard et à adopter la bonne distance. Ni non-directivité, ni interdiction, il convient d’aider l’enfant à passer de la passivité à une approche active tout en sachant que le mode de consommation a de grandes chances de refléter le style familial.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°448 ■ 02/07/1998