Des silences et des cris

Vincent Arthurine, Éd. La danse des Mouettes, 2018, 160 p.

Quel est donc le quotidien d’un hôpital psychiatrique ? Ces vingt-cinq textes, écrits dans un style épuré et fort, nous font partager ces troubles psychiques si difficilement représentables. Il y a celui qui se retrouve là, après s’être jeté d’un pont. C’est un double miraculé : non seulement il a survécu de sa chute, mais la voiture roulant à grande vitesse qui l’a percuté l’a épargné. Il passe beaucoup de temps à la fenêtre de sa chambre : il s’est donné la mission de regarder le parking en comptant le nombre de voitures rouges puis le nombre de voitures grises qui en sortent. Et puis, il y a Michel, cet homme d’une soixantaine d’années qui passe son temps à uriner dans toutes pièces pour marquer son territoire. Son voisin de chambre ne lui parle pas, mais il le comprend, réussissant à lire dans la tête des autres. « Dégage, tu me dégoutes, sors de moi », répète inlassablement Lucienne recroquevillée sur son lit. Installé dans la chambre de l’angle, son occupant crie d’une voie ferme, mais sans agressivité : « je suis l’homme de l’angle, vous me devez respect, prosternez-vous. » De temps en temps Agnès ou plus rarement Camille se mettent à hurler brisant la routine. Bien sûr, ces portraits ne peuvent qu’intriguer. Mais, au-delà de cette réalité qu’on a bien du mal à partager avec ces âmes étranges, perce une humanité qui touche et émeut autant qu’elle peut perturber et déstabiliser.

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1270 ■ 31/03/2020