Mon cœur a déménagé

BUSSI Michel, Éd. Presse de la Cité, 416 p., 2024

Michel Bussi est un auteur à succès. Avec douze millions de ventes cumulées pour ses plus de vingt romans, il est reconnu par le public avec qui il a construit une vraie fidélité, depuis sa première publication, en 2007. Son dernier opus nous plonge dans la protection de l’enfance.

Virevoltant dans la menée d’une intrigue aux rebondissements qui ne cessent de déstabiliser le lecteur, tout au long des pages, il réussit à l’accrocher jusqu’au bout. Une chose est de savoir mener avec maestria un suspense haletant, une autre est de se montrer fiable dans les descriptions du contexte dans lequel évolue un scénario. Et pénétrer l’univers de la protection de l’enfance relève d’une gageure, quand il s’agit d’éviter les chausse-trappes, les préjugés et autres clichés.

Et là, c’est plutôt bluffant. Non seulement, l’auteur évite avec habileté tous les stéréotypes dans lesquels il aurait pu tomber, mais ses descriptions sont d’une finesse et d’une justesse qui ne pourront qu’étonner les connaisseurs de ce monde traditionnellement refermé sur lui-même.

Les mécanismes administratifs, éducatifs et judiciaires sont décrits avec une pertinence et une justesse assez étonnantes. Le portrait des enfants placés est tissé avec beaucoup de sensibilité et de vérité. Le vécu d’une petite fille de sept ans, confiée à une Maison d’enfants à caractère social, suite à un terrible drame familial, n’est pas moins percutant que celui de cette adolescence rebelle qu’elle est devenue.

Mais, celui des professionnels ne l’est pas moins. Certes, les personnels de direction ne sont pas à la fête, présentés soit comme falot, soit comme escroc. Pour ce qui est des professionnels de terrain, ils s’en sortent infiniment mieux.  A l’image de cette éducatrice spécialisée élevée au rang de superwoman protectrice et salvatrice, d’un bout à l’autre du roman.

La quatrième de couverture résume le récit en le présentant comme une histoire mêlant amour et amitiés, récit initiatique et manipulations. Le lecteur travailleur social identifiera sans doute bien plus des violences conjugales et les réactions de mineurs face au placement, les mécanismes de résilience et une ambiance professionnelle guère éloignée, parfois, de celles qui se déploient sur le terrain. Une lecture, au final, qui articule le plaisir d’un polar avec une représentation d’un quotidien pour une fois fidèle et non biaisé.