Inceste, lorsque les mères ne protègent pas leur enfant

AYOUN Patrick, ROMANO Hélène (sous la direction), Ed. érès, 2013, 291 p.

Courageuse étude, car bien trop rare, que celle consacrée à ces mères qui n’ont pu et/ou voulu voir et/ou cherché à comprendre l’agression qui se déroulait dans leur famille, avec pour auteur, l’homme dont elle partage(ait) l’existence, et comme victime l’enfant vivant sous leur autorité. Les dix sept contributeurs de cet ouvrage tentent de cerner la responsabilité maternelle et de définir l’attitude à adopter à son égard, en tricotant la diversité des hypothèses et des théories. L’historien décrit un passé largement dominé par un patriarcat qui a longtemps placé la mère dans l’incapacité de réagir face à la toute puissance paternelle. L’ethnologue rappelle que, conçue pour subir et se montrer soumise, elle ne peut que fermer les yeux sur l’inceste et inciter sa fille à se taire. Le juriste rappelle les obligations de protection faites à tout parent, tout autant que les sanctions menaçant une mère, en cas de dénonciation calomnieuse. La psychiatre décrit le fréquent contexte carencé des familles incestueuses et l’absence de confiance des mères qui n’arrivent pas à demander une aide extérieure. Le psychanalyste isole leur rôle, présentant leur capacité de soutien comme l’unique facteur garantissant à leur enfant de s’en sortir. Quant aux pères auteurs incarcérés, ils sont unanimes à leur reprocher d’avoir failli, en les ayant laissé faire. Les praticiens de la protection de l’enfance nous font entrer dans la complexité des situations suivies, partant du caractère singulier de chaque cas. Ils insistent sur l’importance de l’alliance avec ces mères tout en sachant renoncer, dans certains cas, à faire évoluer leurs capacités à protéger leur enfant. Les réactions maternelles ne doivent être ni idéalisées, ni diabolisées. Parce qu’elles sont multiples, elles ne peuvent provoquer de réponses uniques de la part des professionnels.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1143 ■ 12/06/2014