Inceste. Victimes, Auteurs, Familles à transactions incestueuses

SUARD Michel, Editions universitaires européennes, 2018, 239 p.

« Les agresseurs sont toujours dans le déni de leurs actes », « ce sont des pervers manipulateurs », « un père incestueux ne peut plus être père », « l’inceste est un génocide identitaire ». D’un côté, il y aurait des auteurs identifiables à un seul modèle : le dominateur violent et sadique, exerçant une emprise maléfique sur l’enfant. De l’autre, des victimes psychologiquement détruites transformées par le traumatisme en mortes vivantes. Cette généralisation est abusive proclame Michel Suard qui prend bien soin de présenter les situations qu’il détaille comme autant d’histoires parmi d’autres, toutes différentes et singulières. Les victimes sont prises entre deux feux : le déni de la réalité des violences vécues et de leurs conséquences et le postulat voulant que la blessure imposée par l’agression soit la seule et unique source de tous les troubles tant psychiques et/ou physiques ultérieurs. A travers de nombreuses vignettes cliniques, l’auteur le démontre avec sérénité : à force d’enfermer l’agresseur dans une identité de monstre, on en fait un monstre. A ne voir la victime qu’à travers ce qu’elle a subi, on l’emmure dans son trauma. La réconciliation entre l’enfant et son parent agresseur ne peut être écartée par principe. L’option de la réparation et du soin choisie par le système judiciaire belge est bien plus pertinente que la répression et la rupture des liens privilégiées par la France. D’où parle Michel Suard, pour avancer de telles affirmations allant à contre-courant ? Sur le suivi psychologique de 200 condamnés pour des crimes ou délits sexuels ainsi que sur les 150 entretiens de 40 victimes avec leurs agresseurs. Il sait donc de quoi il parle. Et on doit le lire, afin d’entrer dans la complexité de cette problématique.
 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1245 ■ 21/02/2017