L’inceste: cris et chuchotements
BAUCHOT Lionel, Éd. l’Harmattan, 2022, 138 p.
Depuis si longtemps, le silence et la censure l’ont enfermé dans l’indicible. Le tabou ancestral de l’’inceste a fini par se dévoiler. L’occasion pour l’auteur de nous proposer de penser sur l’impensable de cet acte qui détruit tout sur son passage, ne laissant derrière lui qu’un champ de ruine, la victime restant figée dans l’immobilité, clouée dans un mouvement destructeur et insécurisant. Agressée par un adulte censé le protéger et le soigner, la confusion entre sa quête de tendresse et les actes qui lui sont imposés la plonge dans une confusion permanente : son immaturité psychosexuelle la rend incapable de comprendre ce qui lui arrive. La famille incestueuse ne fonctionne pas comme un groupe de personnes uniques et singulières vivant sous le même toit, mais comme un magma compact où tout colle avec tout et où chacun devient un morceau de l’ensemble. A la confusion des sentiments s’ajoutent celles des personnes, des générations et de la généalogie. Le sentiment de honte et de culpabilité qui submerge l’enfant le condamne à se terrer et à se taire, à s’enfermer et à s’isoler, au point d’en venir à se convaincre parfois qu’il pourrait être à l’origine de la situation. Puis s’instaure le déni qui fonctionne comme un mécanisme de défense inconscient, protection nécessaire et impérative face à une réalité tellement violente qui, si elle était admise, provoquerait un effondrement psychique. Cette incestitude (inceste et incertitude) constitue une intenable tension entre le rejet des perceptions et l’insoutenable réalité des scènes qui s’imposent à la mémoire. La levée du secret et la révélation viennent placer en perspective le chaos qui règne derrière l’ordre apparent. Elle ouvre à une possible résilience à condition que la victime, au vu de son histoire de vie, dépasse la légitime méfiance de pouvoir compter sur les autres.