L’interdit de l’inceste à travers les siècles
GODELIER Maurice, CNRS éditions, 2021, 121 p.
L’interdiction de l’inceste désigne le refus des relations sexuelles entre des personnes semblables, ayant en commun des composantes de leur être soit physique (le sperme, le sang, le lait ou la chair), soit immatériel (l’âme ou le nom). Excluant toute permissivité sexuelle, elle fixe la substance dont le partage n’est pas accepté, fondant ainsi l’appartenance à une communauté. Autant dire que cette prohibition, pour universelle qu’elle soit, revêt des formes à chaque fois différentes, propres au système de croyance collective forgée d’une manière à chaque fois spécifique. Cette prohibition relève à la fois d’une proscription (précisant ce qui n’est pas permis) et d’une prescription (s’allier à d’autres pour continuer à exister). Nulle part, les rapports entre un homme et une femme ne sont considérés comme suffisants pour fabriquer un enfant. Partout, la parenté sociale est distinguée de la parenté biologique et les principes de descendances relèvent de constructions culturelles. A l’image de ces sociétés ne considérant pas le sperme comme ayant un rôle quelconque dans la procréation, niant donc au géniteur toute fonction et ne considérant pas en conséquence ses rapports sexuels avec sa fille comme incestueux. Dans d’autres cultures, tous les frères du père sont considérés comme des pères, toutes les sœurs de la mère comme des mères et tous les cousins/cousines comme des frères et sœurs, interdisant dès lors toute relation procréative avec les membres de cette parenté élargie. A Bali les jumeaux sont considérés comme divins chez les nobles et incestueux dans une famille ordinaire. Le social devient parental qui à son tour, devient sexuel, sexualité qui est alors mise au service de la production de la société. Et chacune de ces représentations est considérée comme naturelle.