Le prix d’un enfant
Il y a 30 ans, cette rubrique remonte le temps en remettant sur le devant des critiques parue il y a trois décennies… "Le prix d’un enfant - 4 ans dans l’enfer de la prostitution à Bangkok"
Marie-France BOTTE avec Jean-Paul MARI, Robert Laffont, 1993, 254 p.
La médiatisation de certains sujets, la façon dont souvent télévision et presse s'emparent de thèmes sensibles font parfois réagir avec méfiance devant ce qui apparaît comme faisandé ou racoleur.
La prostitution enfantine n’a pas échappée à cette malheureuse tendance. Certains reportages -notamment sur TF1- se nourrissent du sensationnel et jouent grassement de l’émotion et de la sensibilité du spectateur, lassant un sentiment de malaise et de dégoût pouvant aller jusqu’à porter atteinte à la crédibilité du sujet traité. Rien de tel dans ce document-témoignage de Marie-France Botte qui respire au contraire l’authenticité et la sincérité.
Il y a 30 ans, cette rubrique remonte le temps en remettant sur le devant des critiques parue il y a trois décennies… ""
Dans un alerte et agréable, on y suit l’itinéraire d’une assistante qui quitte l'Europe pour fuir des fantômes personnels et qui va se transformer en une militante acharnée et combative de l'enfance martyrisée.
Nous suivons Marie-France dans sa découverte de la prostitution enfantine en Thaïlande : plongée dans l’enfer avec ces enfants enlevés, séquestrés, battus, violentés. Nous rencontrons aussi ces européens qui débarquent par charters entiers et qui, bardés d'une fausse bonne conscience (le « nouvel amour ») et de pseudo-convictions sur la différence culturelle (l'initiation sexuelle des enfants thaïlandais serait faite par leurs parents vers 7-8 ans !) sont directement responsables du traitement monstrueux réservés à des gosses de Î à 13-14 ans.
Mais Marie-France ne se contente pas d’être un témoin révolté. Elle nous décri son combat pour arracher ces enfants à leur sort. La confrontation arec la mafia chinoise qui organise le trafic lui vaudra d'ailleurs agressions et menaces de mort.
A aucun moment, le récit ne verse dans une quelconque croisière moralisatrice type « ligue de vertu ». Ce dont il s'agit ici, c'est d'êtres humains atteints dans leur chair et dans leur dignité.
Mais, et là on retrouve le réflexe profféessionne1 qui réapparaît sous la légitime indignation, les pédophiles sont appréhendés, dans leur propre dynamique de souffrance. Nombre de crocodiles, nom donnés par les enfants aux abuseurs européens reproduisent dans leurs actes présents les agressions sexuelles dont ils ont été eux-mêmes victimes dans leur enfance. Alors que l'actualité cinématographique rend hommage aux "justes" qui à travers l'Europe ont sauvé, il y a 50 ans. des êtres humains qui avaient pour seul tort d'être juifs, on peut saluer cette poignée d'hommes et de femmes qui osent s'affronter aux trafiquants, et policiers corrompus pour tenter de sauver de l'horreur, d'autres êtres humains dont le seul crime consiste à représenter les proies de vampires avides de viande fraîche.
Quand on referme le livre, le premier mot qui vient à la bouche est: "chapeau" !
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°249 ■ 24/02/1994