La question pédophile

L’infini n°59, automne 1997, 142 p.

La revue littéraire de la maison d’édition Gallimard a adressé à plus de quarante écrivains et intellectuels un questionnaire sur la question de la pédophilie. Son numéro 59 regroupe les réponses reçues. De nombreux auteurs célèbres ont affiché leur pédophilie, aussi est-il intéressant de voir comment se positionnent aujourd’hui les gens de lettre. Parmi les réponses, on trouve l’incontournable lacanien qui cite le maître (évangile untel, verset numéro tant) dans un phrasé toujours aussi abscons. Moins rigolo, le pédophile de service Gabriel Matzneff qui se plaint ne plus pouvoir afficher ses penchants et ainsi de porter l’étoile jaune des réprouvés. Rendez-vous compte : ne plus pouvoir abuser des petits garçons et s’en vanter dans ses livres sans que cela vous colle à la peau ! Quelle époque ! Mais ce triste sire ne doit pas gâcher la moisson de réflexions que nous propose par ailleurs cette livraison. C’est Bertrand Boulin qui lance le premier le pavé dans la marre en dénonçant le refus fait à l’enfant d’avoir droit au plaisir. Or, continue Renaud Camus, il possède une sexualité et des pulsions sentimentales qui peuvent se porter sur des adultes et “ en particulier sur des jeunes et beaux adultes, professeurs de gymnastique ou moniteurs de colonie de vacances ” (p.25). Le pouvoir de séduction qu’il exerce est puissant renchérit Louis-Pierre Guinard qui fut instituteur avant d’être chanteur : “ la passion que les éducateurs et enseignants vouent à leur vocation est semée d’embûches qu’il leur faut éviter quotidiennement ” (p.82). Cette sensualité entre l’enfant et l’adulte est chose courante. Elle participe de son éducation. Toucher l’enfant, le caresser, le baigner, le sentir, dormir avec lui est essentiel à son épanouissement confirme Jean-Luc Hennnig. Mais, c’est là le monopole de la mère. Ces plaisirs infinis sont retirés à l’homme, parce que ce dernier sera toujours soupçonné de désirs troubles. Car, il lui appartient parfois d’utiliser l’enfant non comme un sujet mais comme un objet comme le dénonce Philippe Forest. Annie Ernaux condamne quant à elle l’utilisation de l’autorité et du pouvoir de l’adulte. Mais s’interroge-t-elle : “ s’il y a séduction et désir réciproque entre un adulte et un enfant de 12-14 ans ? Je n’ai pas la réponse ” Et c’est là tout le problème : on peut certes parler de la sexualité des enfants mais jamais en l’identifiant à celle de l’adulte. Le besoin de tendresse de l’un ne peut être comparé à la génitalité de l’autre. Est pédophile tout individu qui aime les enfants : le pédiatre, le pédagogue, l’instituteur, l’éducateur. Après avoir donné une telle définition sensiblement provocatrice, Michel Onfray conclue en affirmant que ce pédophile devient pédéraste quand sa passion devient passage à l’acte.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°431 ■ 26/02/1998