Le traumatisme de l’inceste
Sous la direction de Marceline GABEL, Serge LEBOVICI, Philippe MAZET, puf, 1995, 254 p.
Ce livre regroupe la plupart des interventions de deux journées de colloques tenus en 1993. C’est un foisonnement de contributions plus passionnantes les unes que les autres qui nous sont proposées ici. Parmi ces 17 communications, il est difficile de faire un choix pour un compte-rendu. L’ouvrage est divisé en trois parties consacrées respectivement au traumatisme/ au traitement des victimes/ au traitement des agresseurs. Nous allons nous faire écho de chacun de ces grands thèmes.
Commençons avec le « traumatisme », par l’étonnant récit de l’aventure survenue outre-atlantique au Trouble de la Personnalité Multiple (T.P.M.). Après avoir nié jusqu’au années 50 la violence intra-familiale (au point de créer le syndrome de l’hypersensibilité aux contusions !), les USA se sont plongés dans la troisième grande vague hystérique de leur histoire. Après le procès des sorcières de Salem en 1692, et le Maccarthysme de l’époque de la guerre froide, la nouvelle chasse à la mode fut celle visant les abus sexuels. Un certain nombre de thérapeutes ont pu établir un lien entre les traumas répétitifs subis pendant l’enfance et les perturbations du sens de l’identité personnelle. Cela se retrouve notamment dans cette curieuse affection qui voit l’individu affublé de personnalités différentes. La médiatisation de cette découverte permit de voir passer, les victimes du T.P.M. d’une poignée à près de 20.000 entre 1980 et 1990 ! Les procès intentés aux parents se multiplièrent. Qui plus est, les techniques d’hypnotisme utilisées pour soigner les patients permirent de mettre à jour l’existence de sectes sataniques passées maîtres dans la mise en scène de l’abus sexuel. Les enquêtes de police n’ayant pas abouti, il n’en fallut pas plus pour convaincre de l’habileté de ces organisations maléfiques à se camoufler et à agir en toute impunité. Les familles ont bien sûr réagi et ont créé une Fondation chargée d’établir un nouveau syndrome: celui des faux souvenirs ! Pôôôvre Amérique !
Deuxième point développé ici concernant le traitement des victimes, celui de l’accompagnement psychosocial en vigueur en Belgique. L’intervention judiciaire n’y est pas systématisée comme c’est le cas en France. Ce qui prime alors c’est bien le dialogue avec la famille en vue de la fin du comportement déviant et du rétablissement de l’espace intergénérationnelle. L’abuseur est invité à quitter le domicile conjugal, une assistance sociale et économique venant compenser les difficultés qui en sont la conséquence. S’enclenche alors toute une série de rencontres de parole qui s’adresse tant à chaque membre de la famille en particulier qu’au groupe familial en partie (les parents, la fratrie, le groupe sans l’abuseur, ...) ou en totalité. Si de un quart à un tiers des parents reconnaît spontanément les faits, seulement 15 à 20 % d’entre eux iront jusqu’au bout du suivi psychosocial. Le relais judiciaire intervient alors à tout moment en cas de blocage ou de sabotage du processus d’aide.
Dernières illustrations à méditer: les expériences de traitement des agresseurs en thérapie de groupe. Entretiens individuels alternent alors avec un travail collectif (centration sur soi, support graphique, échange de parole, jeux de rôle ...). L’objectif consiste bien à permettre un contrôle des pulsions sexuelles. L’incarcération en apportant une contention physique peut dans certains cas favoriser la construction d’un contenant de pensée.
Jacques Trémintin – Juillet 1995 – non paru