Crime et sécurité, l’état des savoirs

Sous la direction de Laurent MUCCHIELLI et Philippe ROBERT, La Découverte,  2002, 440p.

Face aux surenchères politiques et médiatiques qui s’appuient sur des informations superficielles et des formes d’opportunisme peu glorieuses, voilà une démarche pertinente : faire le point des connaissances produites par les chercheurs professionnels indépendants des pouvoirs comme des intérêts en cause. L’ouvrage est réparti en 44 articles qui tentent d’expliquer trois types de problèmes : l’existence de règles de droit qui incriminent un comportement délinquant, les transgressions de ces mêmes règles et les sanctions de ces transgressions. De cette somme de connaissances, il est difficile de proposer une synthèse. On peut seulement offrir ici un avant-goût. Comment expliquer l’accroissement du nombre des vols et des cambriolages (qui sont passés de 44,82 à 397,42 pour 10.000 habitants) ? Peut-être, tout d’abord, par ces mutations de société qui ont vu les relations sociales, autrefois surveillées et contraintes par un voisinage exerçant une surveillance et une bienveillance protectrice, littéralement exploser en une multitude de réseaux et de lieux. Peut-être aussi, par une police qui est passée d’un modèle dominé par la présence auprès de la population et une surveillance préventive à un rôle consacré à la détection et la punition d’actes délinquants une fois commis. Peut-être encore, par la course consumériste qui ne s’est pas ralentie quand le marché de l’emploi se restreignant, les moyens de satisfaire ses achats se sont raréfiés. Et que dire des deux fortes croissances de la délinquance juvénile : bond entre 1978 et 1981 de 70.000 à 100.000 mineurs mis en cause et entre 1993 et 1998/2000, de 95.000 à 170.000 ? Cette augmentation indéniable peut fort bien aussi signifier l’intérêt accru d’une police et d’un parquet pour la partie la plus jeune de la population. Mais comment expliquer cette évolution ? Il est de bon ton d’invoquer l’affaiblissement du sens moral, la démission des parents, la discipline insuffisante à l’école et l’influence des média. On peut tout autant expliquer le jeu social verrouillé pour un certain nombre de jeunes s’ils respectent les règles et la nécessité de sortir du cadre imposé, les petits trafics offrant alors une alternative illicite, mais réelle à la désaffiliation et au déshonneur. Comment réagir ? G. Becker sociologue anglo saxon prétend que tout individu se livrant à une activité criminelle fait un calcul rationnel. Il faut donc que les désavantages que cela peut lui apporter (risques de sanctions élevés) soit supérieurs aux bénéfices escomptés. Toute autre est l’alternative à la dérive répressive qui favorise la prévention, la médiation et l’éducation. On retrouvera dans cet ouvrage bien d’autres contributions encore, tant sur les professionnels de la sécurité (policiers, magistrats, avocats …) que sur les types de violence (routières, policières, sexuelles, manifestation…).

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°644 ■ 28/11/2002