Faut-il emprisonner les mineurs?

DOLLÉ Nathalie, Larousse, 2009, 160 p.

Voilà un ouvrage fort bien écrit qui présente, avec pertinence, la question de l’incarcération des mineurs. Ce qui frappe dans sa lecture, c’est le constat récurrent de l’atermoiement, depuis deux siècles, entre la réponse répressive et la voie éducative. Lorsqu’en 1819, le ministère de l’intérieur publie un arrêté sur la nécessité de séparer les mineurs incarcérés de moins de 16 ans, des majeurs, le souci d’un traitement spécifique de la délinquance juvénile est évident. L’effet pervers, ce sera la construction à Paris, en 1836, de la première maison d’arrêt pour jeunes : la petite Roquette. L’utopie carcérale tournera au cauchemar : confrontés au silence et à l’isolement total, les enfants deviendront fous, hurlant ou finissant muets, délirant ou souffrant d’hallucinations. Il en va de même pour le principe de discernement : les enfants qui sont considérés comme ne bénéficiant pas de la maturité suffisante pour avoir agi en plaine raison, se verront enfermés dans des maisons de correction jusqu’à leur 21 ans, pour des délits punis seulement de quelques mois d’emprisonnement. Les colonies pénitentiaires agricoles, industrielles ou maritimes, sensées réhabiliter leurs jeunes pensionnaires par le travail et l’instruction, se transformeront rapidement en véritables bagnes où règnent des adultes illettrés imposant une discipline arbitraire basée sur les humiliations et les mauvais traitements. L’enfer, en matière de lutte contre la délinquance juvénile, a toujours été semé de bonnes intentions. Plus que jamais, l’actualité contemporaine le démontre. Après 1945, naît une authentique volonté de trouver un équilibre entre répression et éducation. Bien sûr, l’Education surveillée, ancêtre de la PJJ, cherche encore à classifier et trier en apposant de bien curieuses étiquettes (apathique, instable, débile, paranoïaque, cyclothymique, hyperémotif, mythomane, schizoïde, pervers sexuels…), pour orienter et traiter les jeunes délinquants. Mais, des expériences fortes, comme celle du centre familial de Vitry, permettent de dessiner une toute autre déontologie pour un métier d’éducateur en train de s’inventer. Une génération sera nécessaire pour que des habitudes bien ancrées cèdent la place à de nouvelles pratiques éducatives. Et puis, voilà que la pression sécuritaire impulsée par une société avide de risque et de tolérance zéro vient à nouveau tout bousculer. Le conte d’Argout, ministre de l’intérieur en 1832 écrivait alors : « une prison ne sera jamais un lieu d’éducation ». Le Président du tribunal pour enfant de Paris écrira en 1974 : « les établissements fermés sont des échecs et des dépotoirs ». Le choix de nos gouvernements successifs sera pourtant de privilégier l’enfermement des mineurs. De vieilles recettes qui ont pourtant montré leurs limites.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°968 ■ 08/04/2010