Lutter contre la délinquance. Comment le tout répressif tue la sécurité

WALLER Irvin, L’Harmattan, 2009, 224 p.

R. Guiliani, élu maire de New York en 1994, adopta une politique de tolérance zéro. La police reçut pour consigne de ne plus accepter la moindre transgression : elle se mit à arrêter toute personne circulant sans titre de transport, traversant en dehors de clous ou urinant contre un mur. Cette fermeté sembla porter ses fruits, puisque le taux des crimes violents passa de 50/1000 habitants en 1993 à 42 en 1996 et 39 en 1997. Cet exemple fut repris partout dans le monde. Depuis, un certain nombre de chercheurs ont démontré que, non seulement, la baisse de la délinquance avait commencé en 1990, soit quatre avant l’élection de Guiliani, mais qu’elle avait concerné l’ensemble du territoire américain. Ainsi, Paul Evans, maire de Boston élu lui aussi en 1994, obtint 66% de chute du nombre d’homicides de jeunes, en trois ans, en privilégiant une présence de travailleurs sociaux dans les rues et l’accompagnement de la scolarité des élèves en difficulté. Aller chercher des recettes aux USA pour lutter contre la délinquance, c’est comme aller prendre des leçons de droits de l’homme en Arabie Saoudite ! Jamais un gouvernement n’a autant consacré de crédits à la lutte pour la sécurité, sans obtenir pour autant les améliorations attendues. Irvin Waller, professeur de criminalité à l’université d’Ottawa, dénonce avec force l’échec éclatant la politique de répression. Les crimes et la violence sont liés, explique-t-il, à des facteurs de risque exacerbés par la pauvreté, la discrimination, les mauvaises conditions de logement, l’échec scolaire etc… C’est à ces causes qu’il faut s’attaquer et non à leurs conséquences. Cet appel à axer les efforts sur la prévention n’est guère nouveau : « financer davantage d’infirmières dans le secteur de la santé publique, de travailleurs sociaux auprès des jeunes, de professeurs de lycée, de formateurs » (p.22). Ce qui est plus original, c’est le calcul comparatif qu’il effectue du coût respectif des mesures préventives et répressives. Ainsi, cette étude longitudinale menée à Elmira, petite ville rurale de 30.000 habitants d’un programme d’accompagnement de 200 jeunes femmes enceintes par des infirmières permit de diminuer de 56 % le nombre d’arrestations chez leurs enfants devenus adolescents (en comparaison avec une population de 200 familles n’ayant pas bénéficié de ce programme). Résultat, pour 7.733 $ de coût total, la collectivité a économisé 151.916 $ !  De tous les autres exemples qu’il donne, Irvin Waller conclue qu’au final, pour 1 $ d’investi dans la prévention, la société économise entre 4 et 20 $. Et de laisser rêver combien de programmes de prévention pourraient être financés avec les 200 milliards de budget consacrés chaque année à la répression.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°986 ■ 23/09/2010